1Manón   

Ópera en cinco actos, con música de Jules Massenet (1842-1912), y libreto de Henri Meilhac y Philippe Guille basado en la novela "Les Aventures du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut" del Abate Prévost. Se estrenó en la Ópera Cómica de París el 19 de enero de 1884.

Massenet se limitó a recoger algunas escenas de la novela, que había disfrutado de un gran éxito en Francia durante el siglo XVIII. En la versión de Massenet, Manón es deportada a Luisiana por ejercer la prostitución, pero muere antes de salir de Francia. En cambio se ven algunas escenas de la vida disoluta de Manón y Des Grieux como las escenas de juego del Hotel Transilvania.

Personajes

MANÓN

DES GRIEUX

LESCAUT

CONDE

GUILLOT

BRÉTIGNY

POUSSETTE

JAVOTTE

ROSETTE

POSADERO

Enamorada de Des Grieux

Joven caballero sin dinero

Guardia real, primo de Manón

Padre de Des Grieux

Ministro de finanzas, viejo y rico

Un noble

Actriz

Actriz

Actriz

Posadero

Soprano

Tenor

Barítono

Bajo

Tenor

Barítono

Soprano

Soprano

Mezzosoprano

Barítono

 

La acción se desarrolla en Amiens, París y en las proximidades del El Havre, en 1721

ACTE I


Scène Première

(La Grande Cour d'une Hôtellerie. À Amiens)

(Le théâtre représente la cour d'une 
hôtellerie à Amiens. Au fond, une 
grande porte cochère ouvrant sur la 
rue. A droite, premier plan, un pavillon 
auquel on monte par quelques marches. 
A gauche, une tonnelle devant laquelle 
est un puits et un banc de pierre. Derrière 
la tonnelle, deuxième plan, l'entrée de 
l'hôtellerie. Au lever du rideau, Brétigny 
debout à la porte du pavillon, Guillot, 
sa serviette à la main, est au bas de la 
dernière marche.) 

GUILLOT 
(appelant) 
Holà! Hé! Monsieur l'hôtelier! 
Combien de temps faut-il crier
Avant que vous daigniez entendre? 

BRÉTIGNY 
Nous avons soif! 

GUILLOT 
Nous avons faim!
Holà! Hé! 

BRÉTIGNY 
Vous moquez-vous de faire attendre? 

GUILLOT ET BRÉTIGNY 
Morbleu!
Viendrez-vous à la fin? 

GUILLOT 
(avec dépit) 
Foi de Guillot-Morfontaine!
C'est par trop de cruauté
Pour des gens de qualité! 

BRÉTIGNY 
(en colère) 
Il est mort, la chose est certaine! 

GUILLOT 
(en colère) 
Il est mort! 

GUILLOT ET BRÉTIGNY 
Il est mort! 

POUSSETTE 
(à la fenêtre, et riant) 
Allons, messieurs, point de courroux! 

GUILLOT 
Que faut-il faire? 

BRÉTIGNY 
Que faut-il faire? 

GUILLOT 
Il n'entend pas.

(Javotte et Rosette se joignent à Poussette)

POUSSETTE 
(riant aux éclats) 
On le rappelle!
On le harcèle!
On le rappelle! 

JAVOTTE 
(de même) 
On le harcèle!
On le rappelle!

ROSETTE 
(de même) 
On le rappelle!

POUSSETTE, JAVOTTE, 
ROSETTE, GUILLOT ET BRÉTIGNY 
Voyons, monsieur l'hôtelier! 
montrez-vous hospitalier!
Montrez-vous hospitalier!
Voyons, monsieur l'hôtelier!
Voyons, monsieur l'hôtelier!
Sauvez-nous de la famine! 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE 
Monsieur l'hôtelier!
Sauvez-nous de la famine!
Voyons, monsieur l'hôtelier! 

GUILLOT 
Monsieur l'hôtelier!
Soyez donc hospitalier!
Voyons, monsieur l'hôtelier! 

BRÉTIGNY 
Monsieur l'hôtelier!
Si non l'on vous extermine!
Monsieur l'hôtelier! 

(écoutant)

Eh bien!... Eh quoi!... pas de réponse? 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE 
Pas de réponse? 

GUILLOT 
Pas de réponse? 

BRÉTIGNY 
Il est sourd à notre semonce! 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE 
Recommençons! 

GUILLOT 
Pas trop de bruit, 
cela redouble l'appétit! 

POUSSETTE, JAVOTTE, 
ROSETTE, BRÉTIGNY 
Voyons, monsieur l'hôtelier, 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT, BRÉTIGNY 
Montrez-vous hospitalier!
Montrez-vous hospitalier! 

Scène Seconde

(L'hôtelier paraît sur le pas de la porte.) 

BRÉTIGNY 
(avec une explosions de joie et de surprise) 
Ah! voilà le coupable! 

GUILLOT 
(avec une colère comique) 
Réponds-nous, misérable! 

L'HÔTELIER 
Moi! vous abandonner!
Je ne dirai qu'un mot:
Qu'on serve le dîner! 

(A ce moment des marmitons portant 
des plats sortent de l'hôtellerie. Les
marmitons se dirigent lentement et 
presque solennellement vers le pavillon. 
Avec importance) 

Hors-d’oeuvre de choix... 

POUSSETTE, JAVOTTE, 
ROSETTE, GUILLOT, BRÉTIGNY 
Bien! 

L'HÔTELIER 
... et diverses épices...
Poisson... poulet!... 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT, BRÉTIGNY 
Parfait! 

JAVOTTE 
Du poisson! 

GUILLOT 
Du poulet! 

BRÉTIGNY 
Parfait! 

POUSSETTE 
O douce providence!
On vient nous servir! 

JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT ET BRÉTIGNY 
Voilà qu'en cadence
On vient nous servir! 

L'HÔTELIER 
Voyez! on vient vous servir! 

(insistant) 

Un buisson d'écrevisses! 

POUSSETTE, JAVOTTE ET ROSETTE 
(avec joie) 
Des écrevisses! 

GUILLOT 
(avec joie) 
Des écrevisses! 

L'HÔTELIER 
Et pour arroser le repas...
De vieux vins... 

GUILLOT 
(aux marmitons) 
Ne les troublez pas! 

L'HÔTELIER 
Et pour compléter les services:
Le pâté de canard! 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT ET BRÉTIGNY 
Un pâté! 

L'HÔTELIER 
(se rengorgeant) 
Non pas, messieurs
Un objet d'art! 

GUILLOT 
Vraiment! 

BRÉTIGNY 
Parfait! 

POUSSETTE 
O douce providence!
On vient nous servir! 

JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT ET BRÉTIGNY 
Voilà qu'en cadence
On vient nous servir! 

L'HÔTELIER 
Voyez! On vient vous servir! 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT ET BRÉTIGNY 
O sort délectable,
Lorsque l'on a faim,
De se mettre enfin
A table!
On vient nous servir! 

L'HÔTELIER 
Il est préférable
Et même très sain
D'attendre la faim.
Mettez-vous à table,
On vient vous servir!
A table! 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, 
GUILLOT ET BRÉTIGNY 
A table! A table! 

(Tous rentrent dans le pavillon 
dont la porte et la fenêtre se 
referment. L'Hôtelier reste seul.) 

Scène Troisième

L'HÔTELIER 
C'est très bien de dîner! 
Il faut aussi payer!
Et je vais... 
Mais, au fait, pensons au Chevalier des Grieux! 
Le temps passe...
Et j'ai promis de retenir sa place
Au premier coche.

(se dirigeant au fond et apercevant 
les Bourgeois qui se disposent à 
envahir l'hôtellerie.) 

Et mais, voilà déjà la ribambelle
Des bons bourgeois! 
Ils viennent regarder si l'on peut lorgner
Quelque belle,
Ou se moquer de quelque voyageur! 

(sentencieux) 

J'ai remarqué que l'homme est très observateur! 

(Il entre dans le bureau. La Cloche 
de l'hôtellerie se fait entendre. 
Les Bourgeois et les Bourgeoises 
Envahissent peu à peu l'hôtellerie.) 

Scène Quatrième

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(avec calme) 
Entendez-vous la cloche,
Voici l'heure du coche,
Il faut tout voir! tout voir!
Les voyageurs, les voyageuses,
Il faut tout voir!
Pour nous c'est un devoir!

(Lescaut entre suivi de deux Gardes.) 

LESCAUT 
(s'adressant aux Gardes) 
C'est bien ici l'hôtellerie
Où le coche d'Arras
Va tantôt s'arrêter? 

LES GARDES 
C'est bien ici! 

LESCAUT 
(les congédiant) 
Bonsoir! 

LES GARDES 
(se récriant) 
Quelle plaisanterie!
Lescaut, tu pourrais nous quitter! 

LESCAUT 
(avec bonne humeur) 
Jamais! jamais! jamais!
Allez à l'auberge voisine,
On y vend un clairet joyeux;
Je vais attendre ma cousine...
Je vais attendre ma cousine...
Et je vous rejoins tous les deux! 

LES GARDES 
Rappelle-toi! 

LESCAUT 
(froissé) 
Vous m'insultez, c'est imprudent! 

LES GARDES 
(suppliant) 
Lescaut!

LESCAUT 
(satisfait et insolent) 
C'est bon!
Je perdrais la mémoire
Quand il s'agit de boire! 

(avec autorité) 

Allez!

(finement, changeant de ton) 

à l'auberge voisine
On y vend un clairet joyeux!
Je vais attendre ma cousine!
Allez trinquer en m'attendant! 
en m'attendant, allez trinquer! 

(La rue s'emplit de postillons, 
de porteurs portant des malles, 
des cartons, des valises et précédés 
ou suivis de voyageurs et voyeuses 
qui tournent autour d'eux pour obtenir 
leur bagages.) 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(avec joie) 
Les voilà! les voilà! les voilà! 

(Au fond on aperçoit le coche, 
duquel descendent des voyageurs.) 

UNE VIEILLE DAME 
(se rajustant) 
Oh! ma coiffure! Oh! ma toilette!

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(riant) 
Voyez-vous pas cette coquette! 

UN VOYAGEUR 
Eh! le porteur! 

UN PORTEUR 
(de mauvaise humeur) 
Dans un instant!

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(de même) 
Ah! le singulier personnage! 

UNE VOYAGEUSE 
Où sont mes oiseaux et ma cage? 

UN VOYAGEUR 
Hé! Postillon! 

UNE AUTRE 
(appelant aussi) 
Postillon! 

UN AUTRE 
(de même) 
Hé! Postillon! 

UNE AUTRE 
(appelant aussi) 
Postillon! 

UN AUTRE 
Ma malle! 

(réunis) 

Postillon! 

UNE AUTRE 
Mon panier! 

(réunies) 

Postillon 

POSTILLONS ET PORTEURS 
(Les postillons et les Porteurs se dégageant) 
Dans un moment! dans un moment! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
(criant à tue-tête) 
Donnez à chacun son bagage!
Voyons! voyons! voyons! 

POSTILLONS ET PORTEURS 
Moins de tapage! non! non! non! non!

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
Dieux quel tracas et quel tourment
Quand il faut monter en voiture!
Ah! je le jure! On ferait bien 
de faire avant son testament! 

POSTILLONS ET PORTEURS 
Ah! c'est à se damner vraiment,
Chacun d'eux gémit et murmure
Rien qu'en montant dans la voiture
Et recommence en descendant!
Ça recommence en descendant! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Ah! c'est à se damner vraiment,
Chacun gémit
Rien qu'en montant ou descendant!
Dieux! Que! tourment! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
Dieux! Quel tracas et quel tourment! 
ah! quel tourment!
Ah! l'on devrait faire avant tout son testament!
Quel tracas! Quel tourment!
Dieux quel tracas et quel tourment! 

POSTILLONS ET PORTEURS 
Ah! c'est à se damner vraiment! chacun gémit!
Ah! c'est à se damner vraiment chacun gémit!
Taisez-vous! ah! c'est a se damner vraiment! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Ah! Quel tracas et quel tourment!
Ah! quel tracas et quel tourment! ah! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
(poursuivant les Postillons et porteurs) 
Je suis la première /le premier! le premier! 

POSTILLONS ET PORTEURS 
(brusquement) 
Le dernier! Non! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(imitant les postillons en riant) 
Les dernier! Non! 

(Manon qui vient de sortir de la foule 
considère tout ce tohu-bohu avec étonnement)

LESCAUT 
(l'observant à son tour) 
Eh! j'imagine que cette belle enfant, 
c'est Manon! ma cousine! 

(allant vers elle; à Manon franchement) 

Je suis Lescaut... 

MANON 
(avec une légère surprise) 
Vous... mon cousin... 

(simplement et sans retenir) 

embrassez-moi! 

LESCAUT 
Mais très volontiers, sur ma foi!
Morbleu! c'est une belle fille
Qui fait honneur à la famille! 

MANON 
(avec embarras) 
Ah! mon cousin! mon cousin, excusez-moi! 

LESCAUT 
(à part) 
Elle est charmante! 

MANON 
(avec charme et émotion) 
Je suis encor tout étourdie...
Je suis encor tout engourdie...
Ah! mon cousin!
Excusez-moi! excusez un moment d'émoi...
Je suis encor tout étourdie... 

(vivement déclamé) 

Pardonnez à mon bavardage.
J'en suis à mon premier voyage! 

(en racontant) 

Le coche s'éloignait à peine 
Que j'admirais de tous mes yeux,
Les hameaux, les grands bois... la plaine... 
Les voyageurs jeunes et vieux... 

(en liant) 

Ah! 

(changeant de ton) 

mon cousin, excusez-moi! 
c'est mon premier voyage! 

(continuant son récit) 

Je regardais fuir, curieuse,
Les arbres frissonnant au vent!
Et j'oubliais, toute joyeuse,
Que je partais pour le couvent! 
pour le couvent! pour le couvent! 
Devant tant de choses nouvelles,
Ne riez pas, si je vous dis
Que je croyais avoir des ailes, 
Et m'envoler en paradis!
Oui, mon cousin!... 
Puis... j'eus un moment de tristesse... 
Je pleurais... je ne sais pas quoi 

(changeant de ton) 

L'instant d'après, je le confesse, 
Je riais... 

(riant aux éclats) 

Ah! ah! 
Je riais, mais sans savoir pourquoi!
Ah! ah! 

(sans retenir) 

ah! ah !ah !ah! 

(confuse) 

Ah! mon cousin... excusez-moi... 
ah! mon cousin... pardon!
Je suis encor tout étourdie...
Je suis... encor tout engourdie! 

(vivement déclamé)

Pardonnez à mon bavardage,
J'en suis à mon premier voyage! 

(Gros remue ménage: les voyageurs précédés des
 postillons envahissent la cour de l'hôtellerie.) 

LES POSTILLONS 
(aux Voyageurs) 
Partez! On sonne! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
(avec une épouvante comique) 
Comment? Partir! 

LES POSTILLONS 
(brutalement aux Voyageurs) 
Allons! Sortez! voici l'autre voiture! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
Partir! Comment? 
Quelle mésaventure! 

LES POSTILLONS 
Partez! Allons!
On sonne! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
(Tous se bousculent et réclament) 
Mon carton! 

UNE VOYAGEUSE 
Mes oiseaux! 

UN VOYAGEUR 
Non! Mon paquet! 

DEUX AUTRES 
Mon paquet! 

UN AUTRE 
Non! Mon chapeau! 

(tous) 

Mes oiseaux! Mon carton! 
Mon paquet! Mon chapeau! 

LES POSTILLONS 
Partez! Voici l'autre voiture! on sonne! 
partez! ah!
C'est à se damner vraiment!
Chacun d'eux gémit et murmure
Rien qu'en montant dans la voiture
Et recommence en descendant! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(riant) 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ah! ah!
C'est à se damner vraiment!
Chacun gémit!
Rien qu'en montant ou descendant
Dieux! quel tourment! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
On nous rançonne!
Voyons! Voyons! voyons! Dieux!
Quel tracas et quel tourment! 
quand il faut monter en voiture, 
ah! je le jure,
On ferait bien de faire avant son testament! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Dieux! quel tracas et quel tourment! 
ah! quel tourment!
Ah! L'on devrait faire avant tout son testament!
Ah! L'on devrait faire avant tout son testament! 

POSTILLONS ET PORTEURS 
Ça recommence en descendant!
Ah! C'est à se damner vraiment!
Chacun gémit!
Ah! C'est à se damner vraiment!
Chacun gémit! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Ah! Quel tracas et quel tourment!
Ah! Quel tracas et quel tourment! 

VOYAGEUSES ET VOYAGEURS 
Quel tracas! quel tourment!
Dieux! quel tracas et quel tourment! 

POSTILLONS ET PORTEURS 
Taisez-vous! ah! quel tourment! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(riant) 
Ah! ah!
Ah! quel tourment! 

(riant) 

Ah! ah! ah! 

(La foule s'éloigne peu à peu laissant
ensemble Lescaut et Manon.) 

LESCAUT 
(Au moment de sortir pour aller chercher 
les paquets de Manon) 
Attendez-moi, soyez bien sage,
Je vais chercher votre bagage! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Il faut tout voir!
Pour nous c'est un devoir! 

(Ils disparaissent. Manon reste seule. 
Paraît Guillot sur le balcon du pavillon.) 

Scène Cinquième

GUILLOT 
Hôtelier de malheur! Il est donc entendu 
Que nous n'aurons jamais de vin! 

(apercevant Manon) 

Ciel! qu'ai-je vu?
Mademoiselle! hem! hem!.. Mademoiselle... 

(à part) 

Ce qui se passe en ma cervelle est inouï! 

MANON 
(à part, en riant) 
Cet homme est fort drôle, ma foi! 

GUILLOT 
Mademoiselle, écoutez-moi!
On me nomme Guillot de Morfontaine,
De louis d'or ma caisse est pleine,
Et j'en donnerais beaucoup pour
Obtenir de vous un seul mot d'amour... 
J'ai fini, qu'avez-vous à dire? 

MANON 
Que je me fâcherais, si je n'aimais mieux rire... 

(Manon éclate de rire, et son rire est répété par
Brétigny, Javotte, Poussette et Rosette 
qui viennent d'arriver sur le balcon.) 

BRÉTIGNY 
(Déclamant)
Eh bien, Guillot, que faites-vous? 
Nous vous attendons.

GUILLOT 
(Déclamant)
Au diable les fous! 

POUSSETTE 
(à Guillot) 
N'avez-vous pas honte? à votre âge! 

JAVOTTE 
... à votre âge! 

ROSETTE 
... à votre âge! 

BRÉTIGNY 
Cette fois-ci, le drôle a par hasard 
Découvert un trésor.
Jamais plus doux regard
N'illumina plus gracieux visage... 

LES TROIS FEMMES 
(à Guillot; en riant; léger et gai) 
Revenez, Guillot, revenez!
Dieu sait où vous mène un faux pas!
Cher ami Guillot, n'en faites pas!
Revenez! Vous allez, vous casser le nez!
Revenez donc, Guillot! non! non! 
point de faux pas!
Guillot! n'en faites pas! 

(riant) 

Ah! ah!
Revenez! Vous allez vous casser le nez!
Revenez donc, Guillot! 

(riant) 

Ah! ah! 

BRÉTIGNY 
Allons, Guillot, laissez Mademoiselle,
Et revenez, l'on vous appelle! 

GUILLOT 
(impatienté) 
Oui, je reviens dans un moment! 

(à Manon) 

Ma mignonne, un mot seulement! 

BRÉTIGNY 
Guillot, laissez Mademoiselle... 

GUILLOT 
(bas à Manon) 
De ma part, tout à l'heure, un postillon viendra,
Quand vous l'apercevrez, cela signifiera
Qu'une voiture attend, 
que vous pouvez la prendre,
Et qu'après... vous devez comprendre... 

(Lescaut vient de rentrer.) 

LESCAUT 
(brusquement, à Guillot) 
Plaît-il, Monsieur! 

GUILLOT 
(interdit balbutiant) 
Monsieur? 

LESCAUT 
Eh bien! Vous disiez... 

GUILLOT 
(de même) 
Je ne disais rien! 

(Guillot se retire) 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, BRÉTIGNY 
(en riant) 
Revenez, Guillot, Revenez!
Dieu sait où nous même un faux pas!
Cher ami Guillot, n'en faites pas!
Revenez! Vous vous êtes cassé le nez! 

(Ils rentrent en riant dans le pavillon.) 

Scène Sixième

LESCAUT 
(à Manon sérieusement) 
Il vous parlait, Manon? 

MANON 
(légèrement et vif) 
Ce n'était pas ma faute... 

LESCAUT 
Certes! et j'ai de vous opinion trop haute 
Pour me fâcher... 

UN GARDE 
(à Lescaut) 
Eh bien, tu ne viens pas? 

UN AUTRE 
(de même) 
Les cartes et les dés nous attendent là-bas! 

LESCAUT 
Je viens, Mais à cette jeunesse
Permettez d'abord que j'adresse 

(avec suffisance) 

Quelques conseils tout remplis de sagesse! 

LES DEUX GARDES 
(résignés et avec respect) 
Écoutons la sagesse. 

LESCAUT 
(à Manon avec importance) 
Regardez-moi bien dans les yeux.
Je vais tout près, à la caserne,
Discuter avec ces messieurs,
De certain point qui les concerne.
Attendez-moi donc... un instant... 
un seul moment... 

Ne bronchez pas, Soyez gentille
Et n'oubliez pas, mon cher coeur,
Que je suis gardien de l'honneur
De la famille! De la famille!
Si par hasard... quelque imprudent
Vous tenait un propos frivole... 
Dans la crainte... d'un accident... 
Ne dites pas une parole!
Priez-le d'attendre un instant,
un seul moment!

Ne bronchez pas, soyez gentille
Et n'oubliez pas, mon cher coeur,
Que je suis gardien de l'honneur
De la famille, de la famille! 

(Aux gardes, leur faisant signe de partir) 

Et maintenant, voyons à qui de nous 
La Déesse du jeu va faire les yeux doux! 

(Au moment de s'éloigner, il se retourne vers Manon.) 

Ne bronchez pas, Soyez gentille! 

(Il s'éloigne.) 

Scène Septième

MANON 
(simplement) 
Restons ici, puisqu'il le faut!
Attendons... sans penser!
Evitons ces folies,
Ces projets qui mettaient ma raison en défaut! 

(simplement) 

Ne rêvons plus! 

(Manon semble plongée dans ses réflexions, 
puis, tout à coup, simplement, elle porte les yeux sur 
le pavillon dans lequel sont enfermées, Poussette, 
Javotte et Rosette. Manon s'est levée.) 

Combien ces femmes sont jolies!
La plus jeune portait un collier de grains d'or!
Ah! comme ces riches toilettes...
Et ces parures si coquettes
Les rendaient plus belles encore!

(triste et résignée)

Voyons, Manon, plus de chimères,
Où va ton esprit en rêvant?
Laisse ces désirs éphémères
A la porte de ton couvent!
Voyons, Manon, Voyons, Manon,
Plus de désirs, plus de chimères! 

(changeant de ton) 

Et cependant, pour mon âme ravie
En elles tout est séduisant! 

(avec un élan de volupté) 

Ah! Combien ce doit être amusant
De s'amuser toute une vie!
Ah! Voyons, Manon, plus de chimères...
Où va ton esprit en rêvant? 

(Moitié larmes, moitié sourires) 

Voyons, Manon! Voyons, Manon!
Plus de désirs, plus de chimères! 

(apercevant Des Grieux) 

Scène Huitième

Quelqu'un! Vite à mon banc de pierre! 

(Des Grieux s'avance sans voir Manon.) 

DES GRIEUX 
(à lui-même) 
J'ai marqué l'heure du départ... 
J'hésitais... chose singulière! 

(résolument) 

Enfin, demain soir au plus tard
J'embrasserai mon père!... 
Mon père!..
Oui, je le vois sourire,
Et mon coeur ne me trompe pas!
Je le vois, il m'appelle
Et je lui tends les bras! 

(Involontairement Des Grieux s'est tourné 
vers Manon. il la regarde d'abord avec
étonnement, puis avec extases et comme si
une vision lui apparaissait) 

O ciel!... Est-ce un rêve?... 
Est-ce la folie? 
D'où vient ce que j'éprouve? 
On dirait que ma vie va finir... ou commence!... 
Il semble qu'une main de fer 
me mène en un autre chemin
Et malgré moi m'entraîne devant elle! 

(Peu à peu Des Grieux s'est rapproche 
de Manon. Timide) 

Mademoiselle... 

MANON 
Eh quoi? 

DES GRIEUX 
(ému) 
Pardonnez-moi!
Je ne sais... 

(entrecoupé) 

J'obéis...je ne suis plus mon maître... 

(peu à peu plus ardent) 

Je vous vois, j'en suis sûr, pour la première fois 

(tendre et retenu) 

Et mon coeur cependant 
vient de vous reconnaître! 
Et je sais votre nom... 

MANON 
(simplement) 
On m'appelle Manon... 

DES GRIEUX 
(avec émotion) 
Manon! 

MANON 
(à part) 
Que son regard est tendre!
Et que j'ai de plaisir à l'entendre! 

DES GRIEUX 
Ces paroles d'un fou, veuillez les pardonner! 

MANON 
(simplement) 
Comment les condamner!
Elles charment le coeur 
en charmant les oreilles!
J'en voudrais savoir de pareilles
Pour vous les répéter! 

DES GRIEUX 
(avec transport) 
Enchanteresse
Au charme vainqueur!
Manon! Vous êtes la maîtresse de mon coeur! 

MANON 
Mots charmants, enivrantes fièvres 
Enivrantes fièvres du bonheur! 

DES GRIEUX 
O Manon! Vous êtes maîtresse
Vous êtes maîtresse de mon coeur!
Ah! parlez-moi! 

MANON 
Je ne suis qu'une pauvre fille... 

(souriante) 

Je ne suis pas mauvaise... 
Mais souvent on m'accuse dans ma famille
D'aimer trop le plaisir!... 

(tristement) 

On me met au couvent... tout à l'heure... 
Et c'est là l'histoire de Manon.

(simplement) 

De Manon Lescaut! 

DES GRIEUX 
(avec ardeur) 
Non, je ne veux pas croire a cette cruauté!
Que tant de charmes et de beauté
Soient voués à jamais à la tombe vivante! 

MANON 
Mais c'est, hélas! la volonté 
Du ciel dont je suis la servante,
Puisqu'un malheur si grand ne peut être évité! 

DES GRIEUX 
(avec fermeté) 
Non! Votre liberté ne sera pas ravie! 

MANON 
(avec joie) 
Comment? 

DES GRIEUX 
Au chevalier Des Grieux, 
vous pouvez vous fier! 

MANON 
(avec élan) 
Ah! Je vous devrai plus que la vie! 

DES GRIEUX 
(avec passion) 
Ah! Manon! Vous ne partirez pas!!
Dussé-je aller chercher au bout du monde
Une retraite inconnue et profonde...
Et vous y porter dans mes bras! 

MANON 
A vous ma vie et mon âme... A vous! 
A vous toute ma vie, à jamais! 

DES GRIEUX 
Enchanteresse! Manon,
Vous êtes la maîtresse de mon coeur! 

(A ce moment, le Postillon à qui Guillot-Morfontaine
a dit précédemment de se tenir aux ordres de 
Manon paraît dans le fond.) 

MANON 
(elle le regard, réfléchit et sourit) 
Par aventure peut-être avons-nous mieux:
Une voiture!
La chaise d'un seigneur... 

(léger et sans retenir) 

Il faisait les yeux doux a Manon. 

(finement) 

Vengez-vous! 

DES GRIEUX 
Mais comment? 

MANON 
Tous les deux, prenons-là! 

DES GRIEUX 
(au Postillon, qui s'éloigne aussitôt) 
Soit, partons! 

MANON 
(troublée) 
Et quoi... partir ensemble? 

DES GRIEUX 
(avec transport) 
Oui, Manon! le ciel nous rassemble! 

(ému et avec charme) 

Nous vivrons à Paris... 

MANON 
(tendre et émue) 
Tous les deux! 

DES GRIEUX 
Tous les deux. 
Et nos coeurs amoureux... 

MANON 
A Paris! 

DES GRIEUX 
L'un à l'autre enchaînés, 

MANON 
A Paris! 

DES GRIEUX 
Pour jamais réunis
N'y vivront que des jours bénis! 

MANON 
Nous n'aurons que des jours bénis! 

LES DEUX 
À Paris! à Paris, tous les deux! 
Nous vivrons à Paris! 

(gaiement) 

tous les deux! 

DES GRIEUX 
(Se rapprochant tendrement de Manon) 
Et mon nom deviendra le vôtre! 

(puis revenant à lui; avec émotion; 
presque parlé) 

Ah! pardon! 

MANON 
Dans mes yeux... Vous devez bien voir
Que je ne puis vous en vouloir... 

(presque parlé) 

Et cependant... c'est mal! 

DES GRIEUX 
Viens! Nous vivrons à Paris! 

MANON 
(vivement) 
Tous les deux! 

DES GRIEUX 
(vivement) 
Tous les deux!
Et nos coeurs amoureux... 

MANON 
À Paris! 

DES GRIEUX 
... l'un à l'autre enchaînés! 

MANON 
À Paris! 

DES GRIEUX 
Pour jamais réunis
Nous n'aurons que des jours bénis! 

MANON 
Nous n'aurons que des jours bénis! 

LES DEUX 
A Paris! à Paris! tous les deux! 
nous vivrons à Paris! 

(gaiement) 

... tous les deux! 

(éclats de rire dans le pavillon) 

MANON 
(se souvenant) 
Ce sont elles! 

POUSSETTE, JAVOTTE ET ROSETTE 
Revenez, Guillot, revenez!
Vous allez vous casser le nez!
Revenez donc, Guillot! 

(riant) 

ah! ah! ah! ah! ah! ah! 

DES GRIEUX 
Qu'avez-vous? 

MANON 
(avec trouble) 
Rien! Ces femmes si belles! 

LESCAUT 
(au dehors, aviné) 
Ce soir, vous rendrez tout au cabaret voisin! 

DES GRIEUX 
(effrayé) 
Là! 

MANON 
(de même) 
C'est la voix de mon cousin! 

DES GRIEUX 
Viens! Partons! 

POUSSETTE, JAVOTTE ET ROSETTE 
(Au dehors, dans le pavillon) 
Revenez, Guillot! revenez! revenez! 

(éclats de rire) 

MANON 
(s'arrête, indécise) 
Ah! 

(à part; avec un élan de volupté) 

Combien ce doit être amusant... 
... de s'amuser... toute une vie! 

MANON ET DES GRIEUX 
Ah! partons! 

(Ils s'enfuient tous deux.) 

Scène Neuvième

LESCAUT 
(paraissant; un peu ivre) 
Plus un sou! Le tour est très plaisant! 

(appelant) 

Hé! Manon! 

(Il la cherche, avec stupéfaction) 

Quoi! Disparue! 

(criant) 

Holà! Holà! 

GUILLOT 
(descendant doucement le perron;
avec précaution) 
Je veux la retrouver! 

LESCAUT 
(Le voyant et lui barrant le passage) 
Ah! c'est vous! Le gros homme! 

GUILLOT 
(reculant) 
Hein? 

LESCAUT 
(brutalement) 
Vous avez pris Manon, vous, rendez-là! 

GUILLOT 
(terrifié) 
Taisez-vous! 

LESCAUT 
(criant plus fort) 
Rendez-la-moi! Rendez-la-moi! Rendez-la-moi! 

(Les Bourgeois et L’Hôtelier arrivent peu à peu de 
toutes parts au bruit des cris de Lescaut et se montrent 
en riant les deux personnages.) 

(à Guillot) 

Allons! rendez-la moi! 

GUILLOT 
(à Lescaut, montrant toute le monde) 
Regardez donc comme
Vous attirez la foule! 

LESCAUT 
Ah! bah! ça m'est égal!

(aux Bourgeois) 

Il a pris notre honneur! 

(à Guillot) 

C'est un trop beau régal
Pour ton vilain museau! 

GUILLOT 
(terrifié) 
Quelle aventure! 

LESCAUT 
(aux Bourgeois) 
Il a pris notre honneur! 

L'HÔTELIER, BOURGEOISES Y BOURGEOIS 
Voyons, expliquez-vous! 

GUILLOT 
Soit!... mais très doucement, 
très doucement et sans injure! 

LESCAUT 
(encore plus fort) 
Répondez catégoriquement;
Je veux Manon! Je veux Manon! 

L'HÔTELIER 
Quoi! cette jeune fille,
Elle est partie avec un jeune homme!
Écoutez! 

(bruit lointain de la voiture) 

GUILLOT 
(avec désespoir) 
O ciel! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Elle est partie! 

LESCAUT 
(furieux) 
Mais c'est l'honneur de la famille! 

L'HÔTELIER 
(désignant Guillot) 
Dans la voiture de monsieur... 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Dans la voiture de monsieur... 

GUILLOT 
Non! Arrêtez! 

LESCAUT 
(voulant s'élancer sur lui) 
Gredin! 

GUILLOT 
(se dégageant) 
Lâchez! Lâchez! 

L'HÔTELIER, BOURGEOISES ET
BOURGEOIS 
(riant) 
Ah! ah! la drôle de figure!
Vit-on jamais pareil malheur! 

LESCAUT 
(cherchant à rattraper Guillot malgré L’Hôtelier) 
Non! il faut que je châtie! 

BRÉTIGNY 
(qui est sorti du pavillon avec les femmes) 
Eh! quoi! Pauvre Guillot, votre belle est partie! 

(Les femmes rient.) 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Quelle mésaventure
Pour un aussi grand séducteur! 

GUILLOT 
Taisez-vous tous!... Je veux être vengé! 
Et de cette perfide et de cet enragé! 

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, 
BRÉTIGNY, L'HÔTELIER ET LA FOULE 
(riant) 
Ah! ah! la drôle de figure!
Ah! quel malheur! ah! quel malheur! 

LESCAUT 
Morbleu! Manon, vous me reverrez,
Et vous, petit, vous le paierez! 

(Tout le monde rit.) 

RIDEAU. 
ACTO I


Escena Primera

(El patio de una posada en Amiens)

(El teatro representa el patio de una 
posada en Amiens. Al fondo una gran 
puerta que se abre a la calle. A la 
derecha, en primer plano, un pabellón
al que se accede por unos escalones.
A la izquierda, un cenador delante del cual
hay un pozo y un banco de piedra. Detrás
del cenador, en segundo plano, la entrada
de la posada. Al levantar el telón, Brétigny
está de pie en la puerta del pabellón, Guillot,
con la servilleta en la mano, está delante del
último escalón)

GUILLOT
(llamando)
¡Hola! ¡He! ¡Señor posadero!
¿Durante cuánto tiempo hace falta gritar
antes de que os dignéis escuchar?

BRÉTIGNY
¡Tenemos sed!

GUILLOT
¡Tenemos hambre!
¡Hola! ¡He!

BRÉTIGNY
¿Os burláis haciéndonos esperar?

GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Caramba!
¿Vendréis por fin?

GUILLOT
(con despecho)
¡Soy un Guillot-Morfontaine!
Esta tardanza es demasiado enojosa
para la gente de nuestra clase.

BRÉTIGNY
(enfadado)
¡Seguro que está muerto!

GUILLOT
(enfadado)
¡Ha muerto!

GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Ha muerto!

POUSSETTE
(en la ventana, riéndose)
¡Vamos, señores, nada de enfados!

GUILLOT
¿Qué podemos hacer?

BRÉTIGNY
¿Qué podemos hacer?

GUILLOT
No te oye.

(Javotte y Rosette se acercan a Poussette)

POUSSETTE
(riendo a carcajadas)
¡Se le vuelve a llamar!
¡Se le apremia!
¡Se le vuelve a llamar!

JAVOTTE
(igualmente)
¡Se le apremia!
¡Se le vuelve a llamar!

ROSETTE
(igualmente)
¡Se le vuelve a llamar!

POUSSETTE, JAVOTTE,
ROSETTE, GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Vamos, señor posadero!
¡Mostraros hospitalario!
¡Mostraros hospitalario!
¡Vamos, señor posadero!
¡Vamos, señor posadero!
¡Salvadnos del hambre!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE
¡Señor posadero!
¡Salvadnos del hambre!
¡Vamos, señor posadero!

GUILLOT
¡Señor posadero!
¡Sed hospitalario!
¡Vamos, señor posadero!

BRÉTIGNY
¡Señor posadero!
¿Es que habéis desaparecido?
¡Señor posadero!

(Escuchando)

¿Y bien?... ¡Cómo!... ¿No hay respuesta?

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE
¿No hay respuesta?

GUILLOT
¿No hay respuesta?

BRÉTIGNY
¡Se hace el sordo a nuestra llamada!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE
¡Volvamos a comenzar!

GUILLOT
¡No hacemos suficiente ruido,
y cada vez tengo más apetito!

POUSSETTE, JAVOTTE,
ROSETTE, BRÉTIGNY
¡Vamos, señor posadero!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT, BRÉTIGNY
¡Asomaros posadero!
¡Asomaros posadero!

Escena Segunda

(El posadero aparece en la puerta)

BRÉTIGNY
(con una explosión de alegría y de sorpresa)
¡Ah, he ahí al culpable!

GUILLOT
(haciéndose el enfadado)
¡Respóndenos, miserable!

POSADERO
¡Yo! ¿Abandonaros?
No diré mas que una palabra:
¡Que se sirva la cena!

(En este momento unos golfillos llevando
unos platos salen de la posada. Los
golfillos se dirigen lentamente y 
casi solemnes hacia el pabellón.
Dándose importancia)

Entremeses a elegir...

POUSSETTE, JAVOTTE,
ROSETTE, GUILLOT, BRÉTIGNY
¡Bien!

POSADERO
... y diversos manjares...
pescado... ¡pollo!...

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT, BRÉTIGNY
¡Perfecto!

JAVOTTE
¡Pescado!

GUILLOT
¡Pollo!

BRÉTIGNY
¡Perfecto!

POUSSETTE
¡Oh, dulce providencia!
¡Vienen a servirnos!

JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Nos vienen a servir
oportunamente!

POSADERO
¡Mirad! ¡Vienen a serviros!

(Insistiendo)

¡Un plato de cangrejos!

POUSSETTE, JAVOTTE Y ROSETTE
(con alegría)
¡Cangrejos!

GUILLOT
(con alegría)
¡Cangrejos!

POSADERO
Y para regar la comida...
Vinos añejos...

GUILLOT
(a los golfillos)
¡No los molestéis!

POSADERO
Y para completar el servicio:
¡Paté de pato!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Paté!

POSADERO
(dándose importancia)
¡Como ven, señores,
una obra artística!

GUILLOT
¡Verdaderamente!

BRÉTIGNY
¡Perfecto!

POUSSETTE
¡Oh, dulce Providencia!
¡Vienen a servirnos!

JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Nos vienen a servir
oportunamente!

POSADERO
¡Mirad! ¡Vienen a serviros!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡Oh, fortuna deliciosa,
cuando se tiene hambre,
se le pone fin
en la mesa!
¡Vienen a servirnos!

POSADERO
Es preferible
e incluso muy sano
calmar el hambre.
¡Sentaos a la mesa!
¡Vienen a serviros!
¡A la mesa!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE,
GUILLOT Y BRÉTIGNY
¡A la mesa! ¡A la mesa!

(Todos entran en el pabellón,
después la puerta y la ventana
se cierran. El posadero se queda solo)

Escena Tercera

POSADERO
¡Está muy bien cenar!
¡Pero también es necesario pagar!
Y voy...
¡Pero, pensemos en el Caballero Des Grieux!
El tiempo pasa...
Y yo le he prometido reservarle un lugar
en el primer coche.

(Se dirige hacia el fondo y aparecen
unos burgueses que se disponen a
cenar en  la posada)

¡Pero, ahí llega la retahíla
de los buenos burgueses!
¡Vienen a ver si pueden echar una ojeada
a alguna belleza,
o a burlarse de algún viajero!

(Sentencioso)

¡He notado que el hombre es muy observador!

(entra en el la oficina. Se oye la 
campana de la posada.
Los burgueses llegan,
poco a poco, a la posada) 

Escena Cuarta

BURGUESES
(con calma)
¿Oís la campana?
Es la hora de la llegada del coche,
¡es necesario verlo todo! ¡verlo todo!
Los viajeros, las viajeras,
¡es necesario verlo todo!
¡Para nosotros es un deber!

(Entra Lescaut seguido de dos guardias)

LESCAUT
(dirigiéndose a los guardias)
¿Es aquí, en esta posada,
dónde parará 
el coche de Arrás?

LOS GUARDIAS
¡Éste es el lugar!

LESCAUT
(despidiéndolos)
¡Buenas noches!

LOS GUARDIAS
(exclamando)
¿Lo dices en serio?
Lescaut, ¿acaso podrías dejarnos?

LESCAUT
(con buen humor)
¡Nunca! ¡Nunca! ¡Nunca!
Id al mesón vecino,
donde venden un buen clarete;
voy a esperar a mi prima...
Voy a esperar a mi prima...
¡Id a divertiros!

LOS GUARDIAS
¡Ven, por favor!

LESCAUT
(ofendido)
¡Me insultáis, lo que es una imprudencia!

LOS GUARDIAS
(suplicando)
¡Lescaut!

LESCAUT
(satisfecho e insolente)
¡Está bien!
¡Perdería la memoria
cuando se trata de beber!

(Con autoridad)

¡Id!

(Despacio, cambiando el tono)

¡en el mesón vecino
donde se vende un buen clarete!
¡Voy a esperar a mi prima!
¡Id a beber y esperarme!
¡Esperarme, id a beber!

(La calle se llena de postillones,
mozos llevando baúles,
sombrereras, maletas y precedidos
o seguidos de viajeros y viajeras
que los rodean para obtener
sus equipajes)

BURGUESES Y BURGUESAS
(alegremente)
¡Helos allí! ¡Allí! ¡Helos allí!

(En el fondo aparece un coche,
del que bajan los viajeros)

UNA VIEJA MUJER
(arreglándose)
¡Oh! ¡Mi peinado! ¡Oh! ¡Mi vestido!

BURGUESES Y BURGUESAS
(riendo)
¡Mirad esa coqueta!

UN VIAJERO
¡Eh! ¡Mozo!

UN MOZO
(malhumorado)
¡En un instante!

BURGUESES Y BURGUESAS
(de igual manera)
¡Ah! ¡Qué personaje tan singular!

UNA VIAJERA
¿Dónde están mis pájaros y mi jaula?

UN VIAJERO
¡Eh! ¡Postillón!

OTRA
(llamando también)
¡Postillón!

OTRA
(igualmente)
¡Eh! ¡Postillón!

OTRA
(llamando también)
¡Postillón!

OTRA
¡Mi baúl!

(Todos juntos)

¡Postillón!

OTRA
¡Mi cesta!

(Todos juntos)

¡Postillón!

POSTILLONES Y MOZOS
(Los postillones y los mozos se retiran)
¡En un momento! ¡En un momento!

VIAJEROS Y VIAJERAS
(gritando a voz en cuello)
¡Dad a cada uno su equipaje!
¡Vamos! ¡Vamos! ¡Vamos!

POSTILLONES Y MOZOS
¡Menos escándalo! ¡No! ¡No! ¡No! ¡No!

VIAJEROS Y VIAJERAS
¡Dios mío, qué ajetreo y qué tormento
cuando es necesario utilizar el coche!
¡Ah! ¡Lo juro! ¡Debería de
hacerse antes el testamento!

POSTILLONES Y MOZOS
¡Ah! Es una verdadera condena,
cada uno de ellos gime y murmura
cuando van a subir al coche.
¡Y vuelve a comenzar cuando baja!
¡Sí, vuelve a comenzar cuando baja!

BURGUESES Y BURGUESAS
¡Ah! Es un verdadero infierno,
Cada uno gime
cuando suben o bajan.
¡Dios mío! ¡Qué tormento!

VIAJEROS Y VIAJERAS
¡Dios mío! ¡Qué ajetreo y qué tormento!
¡Ah! ¡Qué tormento!
¡Ah! Todos deberían hacer antes su testamento! 
¡Qué ajetreo! ¡Qué tormento!
¡Dios mío, qué ajetreo, qué tormento!

POSTILLONES Y MOZOS
¡Ah! ¡Es una verdadera condena! ¡Todos gimen!
¡Ah! ¡Es una verdadera condena! ¡Todos gimen!
¡Callad! ¡Ah! ¡ Es una verdadera condena!

BURGUESES Y BURGUESAS
¡Ah! ¡Qué ajetreo y qué tormento!
¡Ah! ¡Qué ajetreo y qué tormento! ¡Ah!

VIAJEROS Y VIAJERAS
(persiguiendo a los postillones y mozos)
¡Yo soy la primera/ el primero! ¡el primero!

POSTILLONES Y MOZOS
(con brusquedad)
¡El último! ¡no!

BURGUESES Y BURGUESAS
(imitando a los postillones y riendo)
¡El último! ¡no!

(Manón que acaba de salir de la multitud
observa toda esta confusión con asombro)

LESCAUT
(observando a su alrededor)
¡Eh! ¡Imagino que esta bonita niña, 
es Manón, mi prima!

(Yendo hacia ella; con  franqueza)

Soy Lescaut...

MANÓN
(con una ligera sorpresa)
Vos... mi primo...

(Simplemente y sin retenerse)

¡Abrázame!

LESCAUT
¡Con mucho gusto, a fe mía!
¡Caramba! ¡Es una bella muchacha
que hace honor a la familia!

MANÓN
(con embarazo)
¡Ah! ¡Primo! ¡Primo, excusadme!

LESCAUT
(para sí)
¡Es encantadora!

MANÓN
(encantada y emocionada)
Estoy todavía muy aturdida...
Estoy todavía muy entumecida...
¡Ah! ¡Primo!
¡Excusadme! Escusad mi emoción....
Estoy todavía aturdida...

(con viveza)

Perdonad mi charla.
¡Éste es mi primer viaje!

(Narrando)

Cuando el cocche arrancó,
mis ojos lo admiraban todo:
los caseríos, los grandes bosques... la llanura...
los viajeros jóvenes y viejos...

(Afable)

¡Ah!

(Cambiando de tono)

¡Primo! ¡Excusadme!
¡Es mi primer viaje!

(Continua recitando)

¡Miraba pasar, curiosa,
los árboles temblando al viento!
¡Y olvidaba, muy alegre,
que yo iba hacia el convento!
¡Hacia el convento! ¡Hacia el convento!
Ante tantas cosas nuevas,
no os riáis, si os digo
que creía tener alas,
¡que me llevaban al paraíso!
Sí, primo mío...
Después.. Tuve un momento de tristeza...
Lloraba... sin saber por qué.

(Cambiando de tono)

Al instante siguiente, lo confieso,
Reía...

(riendo a carcajadas)

¡Ah! ¡Ah!
Reía,¡ pero sin saber por qué!
¡Ah! ¡Ah!

(Sin aguantarse)

¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah!

(confusa)

¡Ah! Primo... excusadme...
¡Ah! Primo... ¡perdón!
Estoy aturdida todavía...
Estoy... ¡todavía entumecida!

(Declamando con viveza)

Perdonad mi charla
¡Ha sido mi primer viaje!

(Gran alboroto: los viajeros precedidos 
de los postillones invaden el patio de la posada)

LOS POSTILLONES
(a los viajeros)
¡Partid! ¡La llamada!

VIAJERAS Y VIAJEROS
(con un espanto cómico)
¿Cómo? ¡Partir!

LOS POSTILLONES
(con brutalidad a los viajeros)
¡Vamos! ¡Salid! ¡Está aquí el otro coche!

VIAJERAS Y VIAJEROS
¡Partir! ¿Cómo?
¡Qué contratiempo!

LOS POSTILLONES
¡Partid! ¡Vamos!
¡La llamada!

VIAJERAS Y VIAJEROS
(Todos se atropellan y reclaman)
¡Mi sombrerera!

UNA VIAJERA
¡Mis pájaros!

UN VIAJERO
¡No! ¡Mi paquete!

OTROS DOS
¡Mi paquete!

OTRO
¡No! ¡Mi sombrero!

(Todos a la vez)

¡Mis pájaros! ¡Mi sombrerera!
¡Mi paquete! ¡Mi sombrero!

LOS POSTILLONES
¡Partid! ¡Aquí está el otro coche! ¡La llamada!
¡Partid! ¡Ah!
¡Ah! Es un verdadero infierno,
cada uno gime y murmura
cuando suben al coche
¡y vuelven a empezar cuando bajan!

BURGUESAS Y BURGUESES
(riendo)
¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah!
¡Es un verdadero infierno!
¡Todos gimen!
Cuando suben o bajan.
¡Dios mío! ¡Qué tormento!

VIAJERAS Y VIAJEROS
¡Que nos rescaten!
¡Vamos! ¡Vamos! ¡Vamos! ¡Dios mío!
¡Qué ajetreo y qué tormento
cuando es necesario utilizar el coche!
¡Ah! ¡Lo juro! 
¡Debería de hacerse antes el testamento!

BURGUESAS Y BURGUESES
¡Dios mío! ¡Qué ajetreo y qué tormento!
¡Ah! ¡qué tormento!
¡Ah! ¡Se debería hacer antes testamento!
¡Ah! ¡Se debería hacer antes testamento!

POSTILLONES Y MOZOS
¡Vuelven a comenzar al descender!
¡Ah! ¡Es un verdadero infierno!
¡Todos gimen!
¡Ah! ¡Es un verdadero infierno!
¡Todos gimen!

BURGUESAS Y BURGUESES
¡Ah! ¡Qué ajetreo y qué tormento!
¡Ah! ¡Qué ajetreo y qué tormento!

VIAJERAS Y VIAJEROS
¡Qué ajetreo! ¡Qué tormento!
¡Dios mío! ¡Qué ajetreo y qué tormento!

POSTILLONES Y MOZOS
¡Callad! ¡Ah! ¡Qué tormento!

BURGUESAS Y BURGUESES
(riendo)
¡Ah! ¡Ah!
¡Ah! ¡Qué tormento!

(Riendo)

¡Ah! ¡Ah! ¡Ah!

(La gente se aleja poco a poco dejando
solos a Lescaut y Manón)

LESCAUT
(En el momento de salir para ir a buscar
los paquetes de Manón)
¡Espéradme, sed obediente,
voy a buscar vuestro equipaje!

BURGUESAS Y BURGUESES
¡Es preciso verlo todo!
¡Para nosotros es un deber!

(Desaparecen. Manón queda sola.
Aparece Guillot en el balcón del pabellón)

Escena Quinta

GUILLOT
¡Posadero del demonio! ¡Ha creido
que nosotros no querríamos vino!

(Viendo a Manón)

¡Cielos! ¿qué veo?
¡Señorita! ¡Hem! ¡hem!... ¡Señorita!..

(Para sí)

¡Lo que pasa en mi cabeza es inaudito!

MANÓN
(para sí, riendo)
¡Este hombre está muy raro, a fe mía!

GUILLOT
Señorita, ¡escuchadme!
Me llamo Guillot de Morfontaine,
Mi caja está llena de luises de oro ,
y yo daría muchos de elllos por
obtener de vos una sola palabra de amor...
He acabado... ¿qué decís?

MANÓN
Me enfadaría, si no me gustara más reirme...

(Manón estalla en carcajadas, y su risa es
repetida por Brétigny, Javotte, Poussette y
Rosette que acaban de salir al balcón)

BRÉTIGNY
(declamando)
Y bien, Guillot, ¿qué hacéis?
Os estamos esperando.

GUILLOT
(declamando)
¡Al diablo con tus locuras!

POUSSETTE
(a Guillot)
¿No os da  vergüenza? ¡A vuestra edad!

JAVOTTE
... ¡A vuestra edad!

ROSETTE
.... ¡A vuestra edad!

BRÉTIGNY
Esta vez, el bribón ha descubierto
casualmente un tesoro.
Nunca una mirada tan dulce
ha iluminado un rostro tan gracioso...

LAS TRES MUJERES
(a Guillot, riendo, con ligereza y alegría)
¡Volved, Guillot, volved!
¡Dios sabe dónde os llevará un paso en falso!
¡Querido amigo Guillot, no lo hagáis!
¡Volved! ¡Cometeréis un gran error!
¡Volved, Guillot! ¡No! ¡No!
¡Nada de pasos en falso!
¡Guillot! ¡No lo hagáis!

(Riendo)

¡Ah! ¡Ah!
¡Volved! ¡Cometeréis un gran error!
¡Volved, Guillot!

(Riendo)

¡Ah! ¡Ah!

BRÉTIGNY
¡Vamos, Guillot, dejad a la señorita,
y volved, os llaman!

GUILLOT
(impaciente)
¡Sí, vuelvo enseguida!

(A Manón)

¡Preciosa, una sola palabra!

BRÉTIGNY
Guillot, dejad a la señorita...

GUILLOT
(en voz baja a Manón)
Pronto vendrá, de mi parte, un postillón.
Cuando lo advirtáis, significará
que un coche espera, 
que podéis tomarlo,
y después... debéis comprender...

(Lescaut acaba de entrar)

LESCAUT
(a Guillot con brusquedad)
¡Pido perdón, señor!

GUILLOT
(balbuciendo desconcertado)
¿Señor?

LESCAUT
¡Y bien! Decíais...

GUILLOT
(como antes)
No decía nada.

(Guillot se retira)

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE, BRÉTIGNY
(riendo)
¡Volved, Guillot, volved!
¡Dios sabe dónde os llevará un paso en falso!
¡Querido amigo Guillot, no lo hagáis!
¡Volved! ¡Cometeréis un gran error!

(entran riendo en el pabellón)

Escena Sexta

LESCAUT
(con seriedad)
¿Y vos qué decís, Manón?

MANÓN
(con viveza)
Eso no era mi culpa...

LESCAUT
¡Cierto! Y yo tengo una gran opinión de vos.
Para enfadarme...

UN GUARDIA
(a Lescaut)
¿Y bien, no vienes?

OTRO
(igual)
¡La cartas y los dados nos esperan allí!

LESCAUT
Voy, pero permitid que primero
dé a esta joven

(Con suficiencia)

algunos consejos llenos de sabiduría.

LOS DOS GUARDIAS
(resignados y con respeto)
Escuchemos la sabiduría.

LESCAUT
(A Manón, con importancia)
Miradme bien a los ojos.
Voy aquí cerca, al cuartel,
a discutir con estos señores
de ciertos temas que les conciernen.
Esperadme... un momento... 
Un momento sólo...

No os mováis, sed gentil,
y no olvidéis, querida,
que soy el guardián del honor
¡de la familia! ¡de la familia!
Y si por casualidad... algún imprudente
os hace una proposición frívola...
Ante el temor... de un accidente...
¡No digas ni una sola palabra!
Rogadle que espere un instante,
¡un solo momento!

No os mováis, sed gentil,
y no olvidéis, querida,
que soy el guardián del honor
¡de la familia! ¡de la familia!

(A los guardias, haciéndoles señas para salir)

¡Y ahora, veamos a quién de nosotros
le sonreirá la diosa de la fortuna!

(Se alejan, él se vuelve hacia Manón)

¡No os mováis, sed gentil!

(Se aleja)

Escena Séptima

MANÓN
(con simpleza)
¡Nos quedaremos aquí, si hace falta!
¡Esperaremos... sin pensar!
¡Evitemos las locuras,
los proyectos que trastornan mi razón!

(Con simpleza)

¡No soñemos más!

(Manón parece sumida en sus reflexiones,
después, de golpe, mira hacia el pabellón 
en el que están Poussette, Javotte
y Rosette. Manón se levanta)

¡Qué bonitas son esas mujeres!
¡La más joven lleva un collar de cuentas de oro!
¡Ah! ¡Cómo esos ricos vestidos
y esos adornos tan coquetos
las vuelven más bellas aún!

(Triste y resignada)

Vamos, Manón, no más quimeras.
¿Dónde va tu espíritu soñador?
¡Deja esos deseos efímeros
en la puerta del convento!
¡Vamos, Manón! ¡Vamos, Manón!
¡No más deseos, no más quimeras!

(Cambiando de tono)

Y sin embargo, para mi alma embelesada en ellas, 
¡todo es tan seductor!

(Con un impulso de voluptuosidad)

¡Ah! ¡Qué divertido debe ser
divertirse toda la vida!
¡Ah! ¡Vamos, Manón, no más quimeras!
¿Dónde va tu espíritu soñador?

(Medio llorando, medio sonriendo)

¡Vamos, Manón! ¡Vamos, Manón!
¡No más deseos, no más quimeras!

(Aparece Des Grieux)

Escena Octava

¡Viene alguien! ¡Rápido, al banco de piedra!

(Des Grieux avanza sin ver a Manón)

DES GRIEUX
(para sí)
He señalado la hora de la salida...
He dudado... ¡qué cosa tan singular!

(Con resolución)

En fin, mañana por la tarde a lo más tardar
¡abrazaré a mi padre!... 
¡Mi padre!..
Sí, lo veo sonreír,
¡y mi corazón no me engaña!
Lo veo, él me llama
¡y yo le tiendo los brazos!

(De manera involuntaria Des Grieux
se vuelve hacia Manón, la mira primero con
asombro, después con éxtasis, como si
una visión se le apareciera)

¡Cielos!...¿Es un sueño?.. 
¿Es una locura?
¿De dónde procede lo que siento?
¡Se diría que mi vida va a acabar... o a comenzar!
Parece que una mano de hierro 
me lleva hacia otro camino
¡y a pesar mío me arrastra ante ella!

(Poco a poco Des Grieux se aproxima a
Manón. Tímidamente)

Señorita...

MANÓN
¿Qué?

DES GRIEUX
(conmovido)
¡Perdonadme!
Yo no sé...

(Entrecortado)

Obedezco... no soy dueño de mí.

(Poco a poco más ardiente)

Os veo, estoy seguro, por primera vez,

(Tierno y contenido)

y mi corazón, sin embargo, 
¡acaba de reconoceros!
No sé vuestro nombre...

MANÓN
(con naturalidad)
Me llamo Manón...

DES GRIEUX
(emocionado)
¡Manón!

MANÓN
(para sí)
¡Su mirada es tierna!
¡Y siento emoción al escucharlo!

DES GRIEUX
Estas palabras de loco, ¿querréis perdonarlas?

MANÓN
(simplemente)
¡Cómo condenarlas!
¡Ellas embelesan al corazón
embelesando los oídos!
¡Quisiera saber palabras similares
para repetíroslas!

DES GRIEUX
(con embeleso)
Encantadora.
¡Hechizo victorioso!
¡Manón! ¡Sois la dueña de mi corazón!

MANÓN
Palabras encantadoras, embriagadoras fiebres
¡embriagadoras fiebres de felicidad!

DES GRIEUX
¡Oh, Manón! ¡Sois la dueña,
sois la dueña de mi corazón!
¡Ah! ¡Habladme!

MANÓN
No soy mas que una pobre chica...

(Sonriente)

No soy mala... 
Pero a menudo mi familia me acusa
de que me gusta demasiado el placer!...

(Con tristeza)

Ingresaré en un convento...dentro de poco...
Y ésta es la historia de Manón.

(Simplemente)

¡De Manón Lescaut!

DES GRIEUX
(con ardor)
¡No, yo no quiero creer tanta crueldad!
¡Que tantos encantos y tanta belleza sean
destinados para siempre a una tumba viviente!

MANÓN
Pero esa esí, ¡ay de mí! la voluntad
del cielo a la que debo servir.
¡Y una desgracia tan grande no se puede evitar!

DES GRIEUX
(con firmeza)
¡No! ¡Vuestra libertad no os será arrebatada!

MANÓN
(con alegría)
¿Cómo?

DES GRIEUX
¡Del caballero Des Grieux,
os podréis fiar!

MANÓN
(con brío)
¡Ah! ¡Os debería más que la vida!

DES GRIEUX
(con pasión)
¡Ah! ¡Manón! ¡No os iréis!
Incluso si tengo que ir a buscar al fin del
mundo un refugio desconocido y profundo...
¡Y os llevaré allí en mis brazos!

MANÓN
Mi vida y mi alma os pertenecen... ¡A vos!
¡Mi vida es vuestra para siempre!

DES GRIEUX
¡Encantadora! Manón,
¡Vos sois la dueña de mi corazón!

(En este momento aparece al fondo el postillón
 que Guillot-Morfontaine dijo con anterioridad que 
 se quedara  a las órdenes de Manón)

MANÓN
(lo mira, reflexiona y sonríe)
Por suerte podemos tener algo mejor:
¡Un coche!
El vehículo de un señor...

(Ligera y sin contenerse)

que quiso flirtear con Manón.

(Con delicadeza)

¡Aprovecharos!

DES GRIEUX
¿Pero cómo?

MANÓN
¡Tomémoslo!

DES GRIEUX
(al postillón, que se aleja en seguida)
¡Así sea, partamos!

MANÓN
(turbada)
Pero... ¿partir juntos?

DES GRIEUX
(con embeleso)
¡Sí, Manón! ¡El cielo nos reúne!

(Emocionado y encantado)

Viviremos en París...

MANÓN
(tierna y emocionada)
¡Los dos solos!

DES GRIEUX
Los dos solos. 
Y nuestros corazones enamorados...

MANÓN
¡En París!

DES GRIEUX
Encadenados el uno al otro,

MANÓN
¡En París!

DES GRIEUX
Reunidos para siempre.
¡Allí sólo viviremos días felices!

MANÓN
¡Sólo tendremos días felices!

LOS DOS
¡En París! ¡En París, los dos solos!
¡Viviremos en París!

(Alegremente)

¡Los dos solos!

DES GRIEUX
(Se aproxima con ternura a Manón)
¡Y mi nombre será el vuestro! 

(Después volviendo en sí, con emoción,
casi hablando)

¡Ah! ¡Perdón!

MANÓN
En mis ojos... Debéis ver
que no puedo dejar de quereros...

(Casi hablando)

Y sin embargo... ¡eso es lo malo!

DES GRIEUX
¡Vamos! ¡Viviremos en París!

MANÓN
(con viveza)
¡Solos los dos!

DES GRIEUX
(con viveza)
¡Solos los dos!
¡Y nuestros corazones enamorados...

MANÓN
¡En París!

DES GRIEUX
... encadenados uno al otro!

MANÓN
¡En París!

DES GRIEUX
Juntos para siempre.
¡Sólo tendremos días felices!

MANÓN
¡Sólo tendremos días felices!

LOS DOS
¡A París! ¡A París! ¡Sólo los dos!
¡Viviremos en París!

(Con alegría)

... ¡Solos los dos!

(Se oyen carcajadas en el pabellón)

MANÓN
(acordándose)
¡Son ellas!

POUSSETTE, JAVOTTE Y ROSETTE
¡Volved, Guillot, volved!
¡Cometeréis un gran error!
¡Volved pues, Guillot!

(Riendo)

¡Ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah!

DES GRIEUX
¿Qué os pasa?

MANÓN
(turbada)
¡Nada! ¡Esas mujeres tan bellas!

LESCAUT
(desde fuera, borracho)
¡Esta noche, volveréis al cabaret!

DES GRIEUX
(espantado)
¡Allí!

MANÓN
(igualmente)
¡Es la voz de mi primo!

DES GRIEUX
¡Vamos! ¡Partamos!

POUSSETTE, JAVOTTE Y ROSETTE
(Desde fuera, dentro del pabellón)
¡Volved, Guillot! ¡Volved! ¡Volved!

(Carcajadas)

MANÓN
(se detiene, indecisa)
¡Ah!

(Para sí, con un impulso de voluptuosidad)

¡Qué divertido debe de ser...
... divertirse... toda la vida!

MANÓN Y DES GRIEUX
¡Ah! ¡Partamos!

(huyen)

Escena Novena

LESCAUT
(apareciendo; un poco bebido)
¡No tengo un céntimo! ¡La velada ha sido muy agradable!

(Llamando)

¡Eh! ¡Manón!

(La busca, asombrado)

¡Cómo! ¡Ha desaparecido!

(Gritando)

¡Hola! ¡Hola!

GUILLOT
(descendiendo poco a poco la escalinata;
con precaución)
¡Quiero encontrarla!

LESCAUT
(viéndolo y cerrándole el paso)
¡Ah! ¡Sois vos! ¡El hombre gordo!

GUILLOT
(retrocediendo)
¿Eh?

LESCAUT
(con brutalidad)
¡Os habéis llevado a Manón, devolvedla!

GUILLOT
(aterrado)
¡Callad!

LESCAUT
(gritando más fuerte)
¡Devolvédmela! ¡Devolvédmela! ¡Devolvédmela!

(Los Burgueses y el posadero llegan poco a poco
desde todos los lados al ruido de los gritos de
Lescaut y señalan riendo a los dos personajes)

(a Guillot)

¡Vamos! ¡Devolvédmela!

GUILLOT
(A Lescaut, señalando a toda la gente)
¡Mirad como
llamáis la atención de la gente!

LESCAUT
¡Ah! ¡bah! ¡eso me da igual!

(A los burgueses)

¡Ha mancillado nuestro honor!

(A Guillot)

¡Es un bocado demasiado bueno
para un hocico tan villano!

GUILLOT
(aterrorizado)
¡Qué desgracia!

LESCAUT
(a los burgueses)
¡Ha mancillado nuestro honor! 

POSADERO, BURGUESAS Y BURGUESES
¡Veamos, explicaos!

GUILLOT
¡Sea!... pero con más cortesía, 
¡con más cortesía y sin ofensas!

LESCAUT
(todavía más alto)
Responded sin titubeos;
¡Yo quiero a Manón! ¡Yo quiero a Manón!

POSADERO
¡Cómo! Esa joven muchacha,
¡ella ha partido con un hombre joven!
¡Escuchad!

(Ruido lejano de un coche)

GUILLOT
(con desesperación)
¡Cielos!

BURGUESAS Y BURGUESES
¡Ella se ha marchado!

LESCAUT
(furioso)
¡Pero es el honor de la familia!

POSADERO
(señalando a Guillot)
En el coche del señor...

BURGUESAS Y BURGUESES
En el coche del señor...

GUILLOT
¡No! ¡Deteneos!

LESCAUT
(queriendo arrojarse sobre él)
¡Miserable!

GUILLOT
(soltándose)
¡Soltad! ¡Soltad!

POSADERO, BURGUESAS Y 
BURGUESES
(riendo)
¡Ah! ¡Ah! ¡Qué expresión tan ridícula!
¿Se vio alguna vez un desastre como el suyo?

LESCAUT
(Intentando atrapar a Guillot a pesar del posadero)
¡No! ¡Es necesario que lo castigue!

BRÉTIGNY
(que ha salido del pabellón con las mujeres)
¡Eh! ¡Cómo! ¡Pobre Guillot, vuestra belleza ha volado!

(Las mujeres ríen)

BURGUESAS Y BURGUESES
¡Qué desgracia
para tan gran seductor!

GUILLOT
¡Callad todos!... ¡Me vengaré
de esa pérfida y taimada!

POUSSETTE, JAVOTTE, ROSETTE,
BRÉTIGNY, POSADERO Y LA GENTE
(riendo)
¡Ah! ¡Ah! ¡Qué expresión tan ridícula!
¡Ah! ¡qué desgracia! ¡ah! ¡qué desgracia!

LESCAUT
¡Caramba! ¡Manón, vos me volveréis a ver,
y vos, pequeño, lo pagaréis!

(Todo el mundo se ríe)

TELÓN

 

ACTE II


L'Appartement de Des Grieux et de Manon 
Rue Vivienne) 

Scène Première 

(Des Grieux est assis devant un petit 
 bureau-secrétaire; Manon s'avance doucement
 derrière lui et cherche à lire ce qu'il écrit.) 

DES GRIEUX 
(s'arrêtant d'écrire et d'un ton de reproche) 
Manon! 

MANON 
(gaiement) 
Avez-vous peur que mon visage frôle 
Votre visage? 

DES GRIEUX 
Indiscrète Manon! 

MANON 
Oui, je lisais sur votre épaule... 
Et j'ai souri, voyant passer mon nom! 

DES GRIEUX 
J'écris à mon père et je tremble
Que cette lettre, où j'ai mis tout mon coeur,
Ne l'irrite... 

MANON 
Vous avez peur? 

DES GRIEUX 
Oui, Manon, j'ai très peur... 

MANON 
Eh bien! il faut relire ensemble... 

DES GRIEUX 
Oui, c'est cela, ensemble, relisons! 

MANON 
(lisant; simplement) 
On l'appelle Manon: elle eut hier seize ans. 
En elle tout séduit... la beauté, la jeunesse, la grâce;

(expressif)

nulle voix n'a de plus doux accents,
Nul regard, plus de charme avec plus de tendresse... 

DES GRIEUX 
(répétant avec ardeur) 
Nul regard plus de charme avec plus de tendresse! 

MANON 
(s'arrêtant de lire) 
Est-ce vrai? Moi, je n'en sais rien; 

(tendrement) 

Mais je sais que vous m'aimez bien! 

DES GRIEUX 
(avec élan) 
Vous aimer? Vous aimer?
Manon... je t'adore! 

MANON 
(se dégageant) 
Allons... Monsieur, lisons encore! 

DES GRIEUX 
(lisant) 
Comme l'oiseau qui suit en tous lieux le printemps, 
Sa jeune âme à la vie,
Sa jeune âme est ouverte sans cesse;
Sa lèvre en fleur sourit et parle 
Au zéphyr parfumé qui passe et la caresse! 

MANON 
(répétant) 
Au zéphyr parfumé qui passe et la caresse! 

(pensive) 

Il ne te suffit pas alors de nous aimer? 

DES GRIEUX 
(avec chaleur) 
Non! Je veux que tu sois ma femme! 

MANON 
(de même) 
Tu le veux? 

DES GRIEUX 
Je le veux, et de toute mon âme! 

MANON 
Embrasse-moi donc, chevalier! 

(Ils s'embrassent) 

Et va porter ta lettre. 

DES GRIEUX 
Oui, je cours la porter! 

(Il se dirige vivement vers la porte, 
et s'arrête et regarde un bouquet qui est 
placé sur la cheminée. Avec trouble) 

Voilà des fleurs qui sont fort belles, 
D'où te vient ce bouquet, Manon? 

MANON 
(vivement) 
Je ne sais pas. 

DES GRIEUX 
(sérieux) 
Comment, tu ne sais pas? 

MANON 
(riant) 
Beau motif de querelles! 

(avec une feinte insouciance) 

Par la fenêtre, on l'a lancé d'en bas...
Comme il était joli, je l'ai gardé... 
Je pense que tu n'est pas jaloux? 

DES GRIEUX 
(tendrement) 
Non, je puis te jurer
Que je n'ai de ton coeur aucune défiance. 

MANON 
Et tu fais bien! Ce coeur est à toi tout entier! 

(On entend un bruit de voix au dehors.) 

DES GRIEUX 
Qui donc se permet un pareil tapage? 

LA SERVANTE 
(entrant effarée) 
Deux gardes du corps sont là qui font rage!
L'un se dit le parent de madame... 

MANON 
(rassurée) 
Lescaut! C'est Lescaut! 

LA SERVANTE 
(bas à Manon et vite) 
L'autre c'est... ne parlons pas trop haut, 
L'autre, c'est quelqu'un qui vous aime,
Ce fermier général qui loge près d'ici... 

MANON 
(bas et émue) 
Monsieur de Brétigny? 

LA SERVANTE 
(bas) 
Monsieur de Brétigny. 

(Le bruit redouble.) 

DES GRIEUX 
Cela devient trop fort et je vais voir moi-même... 

Scène Seconde

(Au moment où il va s'élancer, la porte s'ouvre.
Entrent Brétigny et Lescaut costumé en garde 
du corps) 

LESCAUT 
(brusquement) 
Enfin, les amoureux,
Je vous tiens tous les deux! 

BRÉTIGNY 
Soyez clément, Lescaut, songez à leur jeunesse... 

LESCAUT 
(à Des Grieux avec insolence) 
Vous m'avez, l'autre jour, brûlé la politesse,
Monsieur le drôle! 

DES GRIEUX 
(vivement) 
Hé là! parlez plus doucement 

LESCAUT 
(ironique) 
Plus doucement! 

DES GRIEUX 
(calme et menaçant) 
Plus doucement! 

LESCAUT 
C'est à tomber foudroyé sur la place!
J'arrive pour venger l'honneur de notre race,
Je suis le redresseur, je suis le châtiment,
Et c'est à moi qu'on dit de parler doucement! 
de parler doucement! 

BRÉTIGNY 
Contiens-toi! 

LESCAUT 
(presque parlé) 
Coquin! 

BRÉTIGNY 
Retiens-toi! 

DES GRIEUX 
C'est bien! je vais vous couper les oreilles! 

LESCAUT 
(presque parlé; à Brétigny; 
feignant de n'avoir pas compris) 
Hein? Qu'est-ce qu'il dit? 

BRÉTIGNY 
(à Lescaut' en riant) 
Qu'il va vous couper les oreilles. 

LESCAUT 
Vit-on jamais insolences pareilles?
Il menace! 

BRÉTIGNY 
Ça m'en a l'air... 

LESCAUT 
Par la mort!... 

BRÉTIGNY 
(le contenant) 
Lescaut! 

LESCAUT 
... par l'enfer! 

MANON 
Ah! chevalier, je meurs d'effroi! 
je meurs d'effroi!
Je le sais bien, je suis coupable!
Veillez sur moi!
Ah! chevalier!
Je meurs d'effroi!
Veillez sur moi!
Ah! c'en est fait!
Son regard courroucé m'accable!
Je meurs d'effroi!
Je meurs d'effroi! 

DES GRIEUX 
O Manon, soyez sans effroi!
Comptez sur moi!
Seul de nous deux je suis coupable!
Comptez sur moi!
O cher amour!
Ne tremblez pas!
Comptez sur moi!
Il sera bientôt plus traitable!
Manon! comptez sur moi!
Manon! comptez sur moi! 

LESCAUT 
Coquin! 

(à Brétigny) 

Retenez-moi! retenez-moi! retenez-moi!
Drôle! Retenez-moi!
Je sais de quoi je suis capable!
Retenez-moi! je sais de quoi je suis capable!
Quand il faut punir un coupable!
Retenez-moi! retenez-moi!
Drôle! Coquin! Drôle! retenez-moi!
Coquin! Je veux punir!
Retenez-moi! Retenez-moi! Retenez-moi! 

BRÉTIGNY 
(le contenant) 
Lescaut! Contiens-toi, Lescaut
Allons! contiens-toi, Lescaut!
Le remords les accable!
Vois! Chacun d'eux est coupable!
Le remords les accable!
Allons! de l'indulgence,
Contiens-toi, Lescaut!
Lescaut! contiens-toi!
Retiens-toi! 

(à Lescaut; s'interposant) 

Lescaut! Vous montrez trop de zèle! 
Expliquez-vous plus posément. 

LESCAUT 
(Avec importance) 
Soit, j'y consens. 

(à Des Grieux) 

Mademoiselle
Est ma cousine et je venais très poliment... 

DES GRIEUX 
(menaçant encore) 
Très poliment? 

LESCAUT 
Très poliment; oui, je venais très poliment
Dire: "Monsieur, sans vous chercher querelle... 
"Répondez: Oui, répondez: Non,
Voulez-vous 

(à volonté) 

épouser Manon?" 

LESCAUT ET BRÉTIGNY 
(avec joie) 
La chose est claire,
Entre lurons

LESCAUT
Et bons garçons

BRÉTIGNY
C'est ainsi qu'on traite une affaire!

LESCAUT
C'est ainsi qu'on traite une affaire!

BRÉTIGNY
Entre lurons et bons garçons

LESCAUT ET BRÉTIGNY
La chose est claire,
Entre lurons,

LESCAUT
Et bons garçons

BRÉTIGNY
Oui, c'est ainsi: 

LESCAUT
Voilà l'affaire! 

BRÉTIGNY 
(à Des Grieux riant) 
Eh bien, êtes-vous satisfait? 

DES GRIEUX 
(riant) 
Ma foi, je n'ai plus de colère,
Et votre franchise me plaît. 

BRÉTIGNY ET LESCAUT
(riant) 
C'est ainsi qu'on traite une affaire!
Entre lurons et bons garçons!
La chose est claire,
Entre lurons,
Oui, c'est ainsi; c'est l'affaire! 

LESCAUT 
Voilà l'affaire! 

DES GRIEUX 
(à Lescaut) 
Je venais d'écrire à mon père... 

(montrant sa lettre) 

Avant qu'on y mette un cachet,
Vous lirez bien ceci, j'espère... 

LESCAUT 
(prenant la lettre) 
Volontiers! 
Mais, voici le soir... 

(observant Manon et Brétigny) 

Allons, tous deux, pour y mieux voir, 

(éloignant Des Grieux avec intention) 

Nous placer près de la fenêtre, 
Et là nous lirons votre lettre... 

(Lescaut est remonté vers le fond avec 
Des Grieux. Brétigny reste  près de Manon.) 

MANON 
(à Brétigny furtivement) 
Venir ici sous un déguisement! 

BRÉTIGNY 
(à Manon de même) 
Vous m'en voulez? 

MANON 
Certainement...
Vous savez que c'est lui que j'aime! 

BRÉTIGNY 
J'ai voulu vous avertir, moi-même,
Que ce soir de chez vous on compte l'enlever... 

MANON 
Ce soir? 

BRÉTIGNY 
Par ordre de son père! 

MANON 
(avec émotions et surprise) 
Par ordre de son père! 

BRÉTIGNY 
Oui, ce soir, ici même on viendra l'arracher... 

MANON 
(faisant un pas) 
Ah! je saurai bien empêcher... 

BRÉTIGNY 
(l'arrêtant) 
Prévenez-le, c'est la misère Pour lui, pour vous... 

(à voix basse, de très près) 

Ne le prévenez pas...
Et c'est la fortune, au contraire,
Qui vous attend... 

MANON 
(avec crainte) 
Parlez plus bas! 

LESCAUT 
(Lisant en accusant chaque syllabe) 
"On l'appelle Manon, "

BRÉTIGNY 
(bas à Manon avec fièvre) 
Ne le prévenez pas! 

MANON 
(à Brétigny) 
Jamais... 

LESCAUT 
"Elle eut hier seize ans..." 

BRÉTIGNY 
Cédez... 

MANON 
Parlez plus bas... 

LESCAUT 
"En elle tout séduit... "

(changeant de ton) 

Que ces mots sont touchants! 

BRÉTIGNY 
C'est la fortune! 

MANON 
Jamais! 

DES GRIEUX 
Ah! Lescaut, c'est que je l'adore, 

(simplement) 

Laissez-moi vous le dire encore! 

LESCAUT 
(riant) 
Que ces mots sont touchants! 

BRÉTIGNY 
Manon! Manon! 

MANON 
Parlez plus bas! 

BRÉTIGNY 
Voici l'heure prochaine
De votre liberté! 

DES GRIEUX 
(à Lescaut) 
C'est que je l'adore! 

MANON 
(à part) 
Quel doute étrange et quel tourment! 

LESCAUT 
Vous l'épousez? 

BRÉTIGNY 
Manon! Manon! , 

LESCAUT 
(lisant) 
"Comme l'oiseau qui suit... le printemps... "

BRÉTIGNY
bientôt vous serez reine,

MANON
Dans mon coeur troublé quel délire! 

LESCAUT
(corrigeant lui-même) 
"en tous lieux le printemps..."

DES GRIEUX
C'est que je l'adore!

BRÉTIGNY
Reine par la beauté!

MANON
Quel doute étrange et quel tourment! 

BRÉTIGNY
Manon, vous serez reine par la beauté!

DES GRIEUX
Lescaut! laissez-moi vous le dire encore... 

LESCAUT
Poésie... Amour!

MANON
Ah! quel tourment, pour mon coeur troublé,
quel tourment!

LESCAUT
"Sa jeune âme à la vie... "

MANON
Ah! quel tourment, pour mon coeur!

BRÉTIGNY
¡Vous serez Reine!

DES GRIEUX
C'est que je l'adore!

LESCAUT
Poésie!
"Est ouverte sans cesse..."

MANON
Partez!

BRÉTIGNY
Ecoutez-moi!

MANON
Ah! Quel tourment pour mon coeur troublé!

DES GRIEUX
C'est que je l'adore!

BRÉTIGNY
Vous serez reine par la beauté!
Ecoutez-moi!

MANON
Ah! Partez! Ah! Partez!

LESCAUT 
C'est parfait!
on ne peut mieux dire
Et je vous fais mon compliment! 

(à Manon) 

Cousine, 

(à Des Grieux) 

et vous, cousin, 

(avec importance) 

je vous rends mon estime! 

(à tous deux) 

Prenez ma main, car ce serait un crime
De vous tenir rigueur; 
Enfants, je vous bénis... 

(avec un attendrissement comique) 

Les larmes... le bonheur... 

(à Brétigny à part, changeant de ton) 

Partons-nous? 

DE BRÉTIGNY 
(changeant de ton) 
Je vous suis! 

LESCAUT ET BRÉTIGNY 
(Entre eux, en s'en allant) 
La chose est claire!
Entre lurons

LESCAUT
Et bons garçons,

BRÉTIGNY
C'est ainsi qu'on traite une affaire! 

LESCAUT
C'est ainsi qu'on traite une affaire! 

BRÉTIGNY 
Entre lurons et bons garçons!

(Ils sortent, les répliques suivantes sont 
entendues au loin) 

LESCAUT 
Entre lurons et garçons...
Voilà l'affaire! 

Scène Troisième

MANON 
(pensive, à elle-même) 
Dans mon coeur... quel tourment... 

DES GRIEUX 
(à lui-même, joyeusement) 
Puisse du bonheur où j'aspire
Le jour se lever souriant! 

(Entre la servante avec une lumière.
Le passage suivant est parlé) 

Que nous veut-on? 

LA SERVANTE 
C'est l'heure du souper, Monsieur. 

DES GRIEUX 
C'est vrai pourtant. Et je n'ai pas encore porté 
ma lettre! 

(La Servante dispose le couvert pour le souper) 

MANON 
Eh bien, va la porter 

DES GRIEUX 
(indécis) 
Manon! 

MANON 
Après? 

DES GRIEUX 
(tendre et lent) 
Je t'aime, je t'adore!
Et toi, dis, m'aimes-tu? 

MANON 
Oui, mon cher chevalier, je t'aime... 

DES GRIEUX 
(avec un ton de reproche) 
Tu devrais, en ce cas, me promettre... 

MANON 
Quoi? 

DES GRIEUX 
(changeant de ton) 
Rien du tout. Je vais porter ma lettre 

(Il sort, laissant Manon seule) 

Scène Quatrième

MANON 
(Très troublée) 
Allons!... il le faut pour lui-même...
Mon pauvre chevalier! 
Oh! Oui, c'est lui que j'aime!
Et pourtant, j'hésite aujourd'hui...
Non! non! je ne suis plus digne de lui!
J'entends cette voix qui m'entraîne
Contre ma volonté:
"Manon, tu seras reine,
Reine... par la beauté!" 

(avec reproche) 

Je ne suis que faiblesse et que fragilité... 
Ah! malgré moi je sens couler mes larmes.
Devant ces rêves effacés
L'avenir aura-t-il les charmes
De ces beaux jours déjà passés?... 

(Manon s'est approchée peu à peu de
 la table toute servie. Avec émotion
 et simplicité) 

Adieu, notre petite table
Qui, nous réunit si souvent!...
Adieu, adieu notre petite table,
Si grande pour nous cependant! 

(avec un triste sourire) 

On tient, c'est inimaginable,
Si peu de place... en se serrant...
Adieu, notre petite table!..
Un même verre était le nôtre,
Chacun de nous, quand il buvait,
Y cherchait les lèvres de l'autre... 
Ah! Pauvre ami, comme il m'aimait!
Adieu... notre petite table. 

(avec un sanglot) 

Adieu! 

(Entendant Des Grieux, à part et vivement) 

C'est lui! Que ma pâleur ne me trahisse pas! 

Scène Cinquième

DES GRIEUX 
(avec élan) 
Enfin, Manon, nous voilà seuls ensemble! 

(Il s'approche d'elle.) 

Eh quoi?... des larmes? 

MANON 
Non! 

DES GRIEUX 
Si fait, ta main tremble... 

MANON 
(s'efforçant de sourire) 
Voici notre repas. 

DES GRIEUX 
C'est vrai, ma tête est folle!
Mais le bonheur est passager,
Et le ciel l'a fait si léger
Qu'on a toujours peur qu'il s'envole!
A table! 

MANON 
A table! 

DES GRIEUX 
Instant charmant, où la crainte fait trêve,
Où nous sommes deux seulement! 

(simplement) 

Tiens, Manon, en marchant, 
je viens de faire un rêve. 

MANON 
(avec amertume, à part) 
Hélas! qui ne fait pas de rêve? 

DES GRIEUX 
(à Manon avec intimité) 
En fermant les yeux, je vois là-bas... 
une humble retraite,
Une maisonnette toute blanche au fond des bois
Sous ses tranquilles ombrages
Les clairs et joyeux ruisseaux,
Où se mirent les feuillages,
Chantent avec les oiseaux!
C'est le paradis!... Oh non!
Tout est là triste et morose,
Car il y manque une chose,
Il y faut encore Manon! 

MANON 
(doucement) 
C'est un rêve, une folie! 

DES GRIEUX 
Non! Là sera notre vie!
Si tu le veux, ô Manon, 

(On entend frapper à la porte.) 

MANON 
(à part) 
Oh ciel! déjà! 

DES GRIEUX 
Quelqu'un? 

(gaiement) 

Il ne faut pas de trouble fête... 

(se levant) 

Je vais renvoyer l'importun... 

(souriant) 

Et je reviens... 

MANON 
(troublée) 
Adieu! 

DES GRIEUX 
(étonné) 
Comment! 

MANON 
(avec embrassade et émotions contenue)
Non! Je ne veux pas! 

DES GRIEUX 
(insistant) 
Pourquoi? 

MANON 
(de même) 
Ah!
Tu n'ouvriras pas cette porte!
Je veux rester dans tes bras! 

DES GRIEUX 
(se dégageant doucement) 
Enfant!... laisse-moi... 

MANON 
Non! 

DES GRIEUX 
Que t'importe! 

MANON 
Non! 

DES GRIEUX 
Allons! 

MANON 
Je ne veux pas! 

DES GRIEUX 
Quelque inconnu!... 
C'est singulier!
Je le congédierai d'un façon polie,
Je reviens.. 
nous rirons tous deux de ta folie!

(Il l'embrasse et sort. On entend un bruit de lutte.
Manon se lève et court vers la fenêtre. 
Elle entend une voiture qui s'éloigne.) 

MANON 
Mon pauvre chevalier! 

(Manon paraît en proie à la plus vive douleur.) 

RIDEAU
ACTO II


(El apartamento de Manón y Des Grieux 
en la calle Vivienne)

Escena Primera

(Des Grieux está sentado delante de un pequeño
escritorio; Manón se acerca despacio
por detrás de él e intenta leer lo que escribe)

DES GRIEUX
(Para de escribir y con un tono de reproche)
¡Manón!

MANÓN
(alegremente)
¿Tenéis miedo de que mi cara roce ligeramente
la  vuestra?

DES GRIEUX
¡Manón eres una indiscreta!

MANÓN
Sí, leía a por encima de vuestra espalda...
Y he sonreído, ¡al ver escrito mi nombre!

DES GRIEUX
Escribo a mi padre y tiemblo
porque esta carta, donde he puesto todo mi corazón,
no lo irrite...

MANÓN
¿Tenéis miedo?

DES GRIEUX
Sí, Manón, tengo mucho miedo...

MANÓN
¡Bueno! Será necesario volver a leerla juntos...

DES GRIEUX
¡Sí, eso es, releamosla juntos!

MANÓN
(leyendo)
Se llama Manón: y tiene dieciséis años.
En ella todo seduce... la belleza, la juventud, la gracia;

(expresiva)

ninguna voz tiene más dulces acentos,
ninguna mirada, más encanto y más ternura...

DES GRIEUX
(repitiendo con ardor)
¡Ninguna mirada con más encanto y más ternura!

MANÓN
(para de leer)
¿Es verdad? ¿Yo, yo soy esa?

(Con ternura)

¡Vos me amais bien!

DES GRIEUX
(con ímpetu)
¿Amaros? ¿Amaros?
¡Manón... yo te adoro!

MANÓN
(librándose)
¡Vamos... señor, continuemos leyendo!

DES GRIEUX
(leyendo)
Como el pájaro que siempre sigue a la primavera,
su joven espíritu sigue a la vida,
a la que se abre sin cesar;
sus labios en flor sonríen y hablan al viento perfumado 
que la acaricia cuando pasa.

MANÓN
(repitiendo)
¡Al viento perfumado que la acaricia cuando pasa!

(Pensativa)

¿No es suficiente para ti el amarnos?

DES GRIEUX
(con calor)
¡No! ¿Yo quiero que tú seas mi mujer!

MANÓN
(igualmente)
¿Eso quieres?

DES GRIEUX
¡Lo quiero con toda mi alma!

MANÓN
¡Abrázame entonces, mi caballero!

(se abrazan)

Y ve a llevar la carta.

DES GRIEUX
¡Sí, corro a llevarla!

(Él se dirige rápidamente hacia la puerta, 
pero se para y mira un ramillete que está
colocado sobre la chimenea. Dudando)

¿Y estas flores tan bonitas?
¿Quién te las ha enviado, Manón?

MANÓN
(con viveza)
No lo sé.

DES GRIEUX
(serio)
¡Cómo! ¿No lo sabes?

MANÓN
(riendo)
¡Bonito motivo de disputa!

(Con una fingida despreocupación)

Las han lanzado desde abajo, por la ventana...
Como eran tan bonitas, las he guardado... 
Pienso que...  ¿no estarás celoso?

DES GRIEUX
(con ternura)
No, puedo jurarte
que no tengo ningún recelo de tu corazón.

MANÓN
¡Y haces bien! ¡Este corazón te es completamente fiel!

(Se escucha un rumor de voces en el exterior)

DES GRIEUX
¿Quién se permite semejante alboroto?

LA SIRVIENTA
(entrando asustada)
¡Dos guardias de corps están allí causando estragos!
Uno de ellos dice que es pariente de la señora...

MANÓN
(tranquilizada)
¡Lescaut! ¡Es Lescaut!

LA SIRVIENTA
(en voz baja a Manón y rápidamente)
El otro es... no hablemos demasiado alto.
El otro, es alguien que os ama,
ese gran señor que vive cerca de aquí...

MANÓN
(en voz baja y emocionada)
¿El señor de Brétigny?

LA SIRVIENTA
(en voz baja)
El señor de Brétigny.

(El ruido aumenta)

DES GRIEUX
El alboroto es grande, voy a verlo yo mismo...

Escena Segunda

(En el momento que va a salir, la puerta se abre.
Entran Brétigny y Lescaut vestidos de guardias de
corps)

LESCAUT
(con brusquedad)
¡Por fin tengo a
los dos enamorados!

BRÉTIGNY
Sed clemente, Lescaut, pensad en su juventud...

LESCAUT
(a Des Grieux con insolencia)
¡Hace tiempo vos me dejásteis plantado,
señor bribón!

DES GRIEUX
(con viveza)
¡Eh, hablad con más cortesía!

LESCAUT
(irónico)
¿Con más cortesía?

DES GRIEUX
(con calma y amenazando)
¡Con más cortesía!

LESCAUT
¡Estoy a punto de caer fulminado!
¡Llego para vengar el honor de nuestra familia,
soy la justicia... el castigo, 
y es a mí a quien se debe hablar con cortesía!
¡Hablar con cortesía!

BRÉTIGNY
¡Contente!

LESCAUT
(casi hablando)
¡Bellaco!

BRÉTIGNY
¡Detente!

DES GRIEUX
¡Está bien! ¡Os voy a dar una buena paliza!

LESCAUT
(casi hablado; a Brétigny
fingiendo no haberlo comprendido)
¿Qué?... ¿Qué ha dicho?

BRÉTIGNY
(a Lescaut, riendo)
Que os va a dar una paliza.

LESCAUT
¡Alguna vez se vieron insolencias similares?
¡Él me amenaza!

BRÉTIGNY
Parece como si él fuera...

LESCAUT
¡Por los muertos!..

BRÉTIGNY
(conteniéndole)
¡Lescaut!

LESCAUT
... ¡Por el infierno!

MANÓN
¡Ah! ¡Caballero, muero de espanto! 
¡De espanto!
¡Lo sé bien, soy culpable!
¡Rezad por mí!
¡Ah! ¡Caballero!
¡Muero de espanto!
¡Rezad por mí!
¡Ah! ¡Se acabó!
¡Su mirada enfurecida me abruma!
¡Muero de espanto!
¡Muero de espanto!

DES GRIEUX
¡Oh Manón, no os acobardéis!
¡Contad conmigo!
¡De los dos, sólo yo soy culpable!
¡Contad conmigo!
¡Oh, querido amor!
¡No tembléis!
¡Contad conmigo!
¡Seré más amable!
¡Manón! ¡Contad conmigo!
¡Manón! ¡Contad conmigo!

LESCAUT
¡Bellaco!

(A Brétigny)

¡Sujetadme! ¡Sujetadme!
¡Bribón! ¡Sujetadme!
¡No sé de lo que soy capaz!
¡Sujetadme! ¡No sé de lo que soy capaz!
¡Es necesario castigar al culpable!
¡Sujetadme! ¡Sujetadme!
¡Bribón! ¡Bellaco! ¡Sujetadme!
¡Bellaco! ¡Quiero castigaros!
¡Sujetadme! ¡Sujetadme!

BRÉTIGNY
(conteniéndole)
¡Lescaut! ¡Contente, Lescaut!
¡Vamos! ¡Contente, Lescaut!
¡El remordimiento les abruma!
¡Ves! ¡Cada uno de ellos es culpable!
¡El remordimiento les abruma!
¡Vamos! ¡Ten indulgencia,
contente, Lescaut!
¡Lescaut! ¡Contente!
¡Detente!

(A Lescaut; interponiéndose)

¡Lescaut! ¡Os mostráis demasiado celoso!
Explicaos con más calma.

LESCAUT
(con importancia)
Está bien, lo acepto.

(A Des Grieux)

La señorita
es mi prima y yo venía muy cortés...

DES GRIEUX
(amenazando todavía)
¿Muy cortés?

LESCAUT
Muy cortés, sí, yo venía muy cortés
a deciros: "Señor, sin querer buscar disputa...
"Responded: sí, o no,
¿queréis

(con voluntad)

casaros con Manón?

LESCAUT Y BRÉTIGNY
(alegres)
La cosa está clara,
Entre personas alegres, decididas...

LESCAUT
y liberales...

BRÉTIGNY
¡Es así como se trata un asunto!

LESCAUT
¡Es así como se trata un asunto!

BRÉTIGNY
Entre personas alegres, decididas y liberales...

LESCAUT Y BRÉTIGNY
...la cosa está clara,
entre personas alegres, decididas...

LESCAUT
... y liberales.

BRÉTIGNY
Sí, eso es así.

LESCAUT
¡Ésa es la cuestión!

BRÉTIGNY
(riendo a Des Grieux)
¡Y bien! ¿estáis satisfecho?

DES GRIEUX
(riendo)
A fe mía que ya no estoy enfadado,
y vuestra franqueza me agrada.

BRÉTIGNY Y LESCAUT
(riendo)
¡Es así como se trata un asunto!
¡entre personas alegres, decididas y liberales!
La cosa está clara,
entre personas alegres y decididas.
¡Sí, eso es así, ése es el asunto!

LESCAUT
¡Ésa es la cuestión!

DES GRIEUX
(a Lescaut)
Acabo de escribir a mi padre...

(Enseñando la carta)

Antes de que le ponga lacre,
os la leeré, yo espero...

LESCAUT
(cogiendo la carta)
¡Con mucho gusto! 
Pero, está anocheciendo...

(Observando a Manón y Brétigny)

Vamos allí para ver mejor.

(Alejándose intencionadamente con Des Grieux)

Nos colocaremos cerca de la ventana,
y allí leeremos vuestra carta...

(Lescaut y Des Grieux van hacia el fondo.
Brétigny queda cerca de Manón)

MANÓN
(furtivamente a Brétigny)
¡Venir aquí disfrazado!

BRÉTIGNY
(a Manón de la misma manera)
¿Vos me amais?

MANÓN
Ciertamente...
¡Vos ya sabéis qué es lo que quiero!

BRÉTIGNY
He querido venir a advertiros, yo mismo,
que esta noche, en esta casa, vendrán a detenerlo.

MANÓN
¿Esta noche?

BRÉTIGNY
¡Por orden de su padre!

MANÓN
(con emoción y sorpresa)
¡Por orden de su padre!

BRÉTIGNY
Sí, esta noche, aquí mismo vendrán a llevárselo...

MANÓN
(dando un paso)
¡Ah! Yo sabría impedirlo muy bien...

BRÉTIGNY
(deteniéndola)
Prevenirlo será la miseria para él y para vos...

(En voz baja y muy cerca)

No le prevengáis...
Y por contra, será la fortuna
que vos esperáis...

MANÓN
(con temor)
¡Hablad más bajo!

LESCAUT
(Leyendo y remarcando cada sílaba)
"Se llama Manón,.."

BRÉTIGNY
(en voz baja y febrilmente)
¡No le prevengáis!

MANÓN
(a Brétigny)
Nunca...

LESCAUT
"Ella tiene dieciséis años..."

BRÉTIGNY
Ceded...

MANÓN
Hablad más bajo...

LESCAUT
"En ella todo seduce..."

(Cambiando el tono)

¡Estas palabras son conmovedoras!

BRÉTIGNY
¡Es la fortuna!

MANÓN
¡Nunca!

DES GRIEUX
¡Ah, Lescaut, la adoro!

(simplemente)

¡Dejadme decíroslo!

LESCAUT
(riendo)
¡Esas palabras son conmovedoras!

BRÉTIGNY
¡Manón! ¡Manón!

MANÓN
¡Hablad más bajo!

BRÉTIGNY
¡La hora de vuestra libertad 
está próxima!

DES GRIEUX
(a Lescaut)
¡La adoro!

MANÓN
(para sí)
¡Qué extraña duda y qué tormento!

LESCAUT
¿Os casaréis?

BRÉTIGNY
¡Manón! ¡Manón!

LESCAUT
(Leyendo)
"Como el pájaro que sigue... la primavera..."

BRÉTIGNY
Muy pronto seréis una reina.

MANÓN
¡Qué delirio en mi corazón atormentado!

LESCAUT
(corrigiéndose así mismo)
"siempre sigue la primavera..."

DES GRIEUX
¡La adoro!

BRÉTIGNY
¡Reina por vuestra belleza!

MANÓN
¡Qué extraña duda y qué tormento!

BRÉTIGNY
¡Manón, seréis reina por vuestra belleza!

DES GRIEUX
¡Lescaut! Dejadme decíroslo otra vez...

LESCAUT
¡Poesía... Amor!

MANÓN
¡Ah! ¡Qué tormento, para mi pobre corazón,
qué tormento!

LESCAUT
"Su joven espíritu a la vida..."

MANÓN
¡Ah! ¡Qué tormento para mi corazón!

BRÉTIGNY
¡Vos seréis reina!

DES GRIEUX
¡La adoro!

LESCAUT
¡Poesía!
"Se abre sin cesar..."

MANÓN
¡Salid!

BRÉTIGNY
¡Escuchadme!

MANÓN
¡Ah! ¡Qué tormento para mi atormentado corazón!

DES GRIEUX
¡La adoro!

BRÉTIGNY
¡Seréis reina por vuestra belleza!
¡Escuchadme!

MANÓN
¡Ah! ¡Partid! ¡Ah! ¡Partid!

LESCAUT
¡Es perfecto!
No se puede decir mejor,
¡y yo os doy mi felicitación!

(A Manón)

Prima...

(A Des Grieux)

... y a vos, primo...

(Dándose importancia)

... ¡os devuelvo mi estima!

(A los dos)

Tomad mi mano, pues sería un crimen
manteneros la severidad;
muchachos, yo os bendigo...

(Con una ternura cómica)

las lágrimas... la felicidad...

(A parte a Brétigny, cambiando de tono)

¿Nos vamos?

BRÉTIGNY
(cambiando de tono)
¡Después de vos!

LESCAUT Y BRÉTIGNY
(entre ellos, yéndose)
¡La cosa está clara!
Entre personas alegres, decididas...

LESCAUT
... y liberales.

BRÉTIGNY
¡Es así como se trata un asunto!

LESCAUT
¡Es así como se trata un asunto!

BRÉTIGNY
¡Entre personas alegres, decididas y liberales!

(Ellos salen, las réplicas siguientes se
oyen a lo lejos)

LESCAUT
Entre personas alegres, decididas y liberales...
¡Ésa es la cuestión!

Escena Tercera

MANÓN
(pensativa, para sí misma)
En mi corazón... qué tormento...

DES GRIEUX
(para sí, alegremente)
¡Cuando obtenga la dicha que anhelo
el día se levantará sonriente!

(Entra la sirvienta con una luz.
El pasaje siguiente es hablado)

¿Queréis alguna cosa?

LA SIRVIENTA
Es la hora de cenar, señor.

DES GRIEUX
Es cierto. 
¡Y yo todavía no he llevado mi carta!

(La sirvienta coloca el mantel para cenar)

MANÓN
Y bien, ¿ la va a llevar?

DES GRIEUX
(indeciso)
¡Manón!

MANÓN
¿Después?

DES GRIEUX
(con ternura y lentamente)
¡Te quiero, te adoro!
¿Y tú, dime, me amas?

MANÓN
Sí, mi querido caballero, yo te amo...

DES GRIEUX
(con tono de reproche)
Deberías, en este caso, prometerme...

MANÓN
¿Qué?

DES GRIEUX
(cambiando el tono)
Nada absolutamente. Voy a llevar mi carta.

(sale dejando sola a Manón)

Escena Cuarta

MANÓN
(muy turbada)
¡Vamos!...él lo hace para sí mismo...
¡Mi pobre caballero! 
¡Oh! ¡Sí, es a él a quien amo!
Y sin embargo, he vacilado hoy...
¡No! ¡No! ¡No soy digna de él!
Oigo esa voz que me arrastra
contra mi voluntad:
"Manón, tú serás reina,
¡reina... por tu belleza!"

(Con reproche)

No soy mas que debilidad y fragilidad...
¡Ah! A mi pesar siento fluir las lágrimas
ante estos sueños deliciosos.
¿El porvenir tendrá los encantos
de los bellos días ya pasados?...

(Manón se aproxima poco a poco
a la mesa. Con emoción y
simplicidad)

¡Adiós, pequeña mesa
que nos has reunido tan a menudo!...
¡Adiós, adiós,  pequeña mesa,
tan importante, sin embargo, para nosotros!

(Con una sonrisa triste)

Es increíble, pero ocupábamos tan poco espacio... 
sobre todo cuando nos abrazábamos...
¡Adiós, pequeña mesa!...
Un mismo vaso era el nuestro,
cada uno de nosotros, cuando bebía en él, 
buscaba los labios del otro...
¡Ah!¡ Pobre amigo, cómo me amaba!
Adiós... pequeña mesa.

(Con un sollozo)

¡Adiós!

(Oyendo a Des Grieux, para sí y con viveza)

¡Es él! ¡Que mi palidez no me traicione!

Escena Quinta

DES GRIEUX
(con brío)
¡Al fin, Manón, estamos solos!

(Se aproxima a ella)

¿Cómo?... ¿Lágrimas?

MANÓN
¡No!

DES GRIEUX
¡Oh! Sí, tu mano tiembla...

MANÓN
(se esfuerza en sonreír)
La cena está servida.

DES GRIEUX
¡Es cierto, no me acordaba!
Pero la felicidad es pasajera,
y el cielo la ha hecho tan ligera
que siempre tenemos miedo de que se la lleve.
¡A la mesa!

MANÓN
¡A la mesa!

DES GRIEUX
Instante encantador.
¿Dónde anida el temor si estamos los dos juntos?

(Simplemente)

Escucha, Manón, cuando venía de regreso,
soñaba despierto.

MANÓN
(con amargura, para sí)
¡Ay! ¿Quién no sueña despierto?

DES GRIEUX
(a Manón con intimidad)
Cerrando los ojos, veo allá abajo... 
un humilde refugio.
Una casita blanca en medio del bosque.
Bajo sus tranquilas sombras
veo los claros y alegres arroyos
donde se reflejan las hojas, 
cantando con los pájaros.
¡Es el paraíso!... ¡Oh, no!
¡Todo está triste y taciturno,
pues allí falta una cosa,
allí falta Manón!

MANÓN
(con dulzura)
¡Es un sueño, una locura!

DES GRIEUX
¡No! ¡Allí estará nuestra vida!
Si tú lo quieres, ¡oh, Manón!

(Se oye llamar a la puerta)

MANÓN
(para sí)
¡Cielos! ¡ya!

DES GRIEUX
¿Quién es?

(Alegremente)

No necesitamos a nadie que nos interrumpa...

(Se levanta)

Voy a deshacerme del intruso rápidamente...

(Sonriendo)

y vuelvo...

MANÓN
(turbada)
¡Adiós!

DES GRIEUX
(sorprendido)
¡Cómo!

MANÓN
(lo abraza con emoción contenida)
¡No! ¡No quiero!

DES GRIEUX
(insistiendo)
¿Por qué?

MANÓN
(lo mismo)
¡Ah!
¡No abras esa puerta!
¡Quiero quedarme en tus brazos!

DES GRIEUX
(se suelta con suavidad)
¡Chiquilla!... Déjame...

MANÓN
¡No!

DES GRIEUX
¡Qué más te da!

MANÓN
¡No!

DES GRIEUX
¡Vamos!

MANÓN
¡No quiero!

DES GRIEUX
¡Algún extraño!...
¡Qué inoportuno!
Lo despediré de manera cortés...
Cuando vuelva...
¡Nos reiremos de tu locura!

(Él la abraza y sale. Se oye un ruido de lucha.
Manón se levanta y corre hacia la ventana.
Se oye un coche que se aleja)

MANÓN
¡Mi pobre caballero!

(Manón es presa de un gran dolor)

TELÓN

 

ACTE III


PREMIER TABLEAU 

Le Cours-la-Reine

Scène Première

(Le promenade du Course-la Reine un jour de fête
 populaire. Entre les grands arbres, des boutiques
 de divers marchands: Modistes, marchands 
de jouets, saltimbanques, marchand de 
chansons, etc. A droite, l'enseigne d'un bal.
Grand Mouvement au Lever du Rideau. 
Des marchands, et des marchandes poursuivent 
des passants, seigneurs, bourgeois et bourgeoises,
 en leur offrant toutes sortes d'objets.) 

LES VENDEURS 
Voyez mules à fleurettes!
Fichus et coqueluchons! 

UNE MARCHANDE 
Rouge, mouches et manchettes! 

UN MARCHAND DE CHANSONS 
Achetez-moi mes chansons! 

MARCHANDS 
(ténors) 
Billets pour la loterie 

(basses) 

Rubans, cannes et chapeaux! 

UN MARCHAND 
Poudre, râpes à tabac. 

UN MARCHAND D'ELIXIR 
Elixir pour l'estomac! 

UN CUISINIER 
Il est temps qu'on se régale!
Ma cuisine est sans égale! 

MODISTES 
Bonnets, paniers, collerettes!
Gaze, linon et manchons!
Bonbons et pâtisserie!
Jouets, balles et sabots!
Fichus et coqueluchons! 

UNE MARCHANDE 
Plumes, et fines aigrettes!
Rouge, mouches et manchettes! 

UNE MODISTE 
Voyez mules à fleurettes! 

MARCHANDS 
Billets pour la loterie!
Rubans, cannes et chapeaux! 

BOURGEOIS ET BOURGEOISES 
(Les Marchands avec la foule) 
C'est fête au Cours-la-Reine!
On y rit, on y boit à la santé du Roi!
On y rit, on y boit
Pendant une semaine!
On y rit on y boit à la santé du Roi!
C'est fête au Cours-la-Reine!
On y boit à la santé du Roi! 

(Poussette et Javotte sortent du bal 
Deux petits clercs qui paraissaient 
Chercher dans la foule les aperçoivent 
et sur un signe d'elles courent à leur 
rencontre. Rosette paraît à son tour. 
Musique de bal dans le lointain.) 

POUSSETTE ET JAVOTTE 
La charmante promenade,
Ah! que ce séjour est doux... Que c'est bon! 
que c'est bon une escapade,
Loin des regards d'un jaloux! 

POUSSETTE 
(aux pettits clercs avec prècaution)
C'est entendu! 

JAVOTTE 
Tenez-vous bien! 

ROSETTE 
Un mot pourrait nous compromettre! 

POUSSETTE 
C'est entendu! 

JAVOTTE 
Mon coeur veut bien tout vous promettre! 

POUSSETTE 
Tout! 

ROSETTE 
Mais que Guillot n'en sache rien! 

POUSSETTE ET JAVOTTE 
Mais que Guillot n'en sache rien! Rien! 

JAVOTTE 
Rien! 

POUSSETTE 
Rien! 

POUSSETTE ET JAVOTTE 
(changeant de ton) 
La charmante promenade.
Ah! que ce séjour est doux! Que c'est bon! 
que c'est bon une escapade,
Loin des regards d'un jaloux! 

POUSSETTE 
Que c'est bon! 

JAVOTTE 
La charmante promenade! 
Que c'est bon! 

POUSSETTE 
La charmante promenade. 

POUSSETTE ET JAVOTTE 
Loin des regards d'un jaloux! 
que c'est bon! 

(Poussette et Javotte rentrent 
dans le bal. Rosette s'est éloignée.) 

MODISTES 
Voyez mules à fleurettes!
Fichus et coqueluchons! 

UNE MARCHANDE 
Rouge, mouches et manchettes! 

UN MARCHAND DE CHANSONS 
Achetez-moi mes chansons!

UN MARCHAND 
Poudre, rapes à tabac! 

MARCHANDS 
Billets pour la loterie!
Rubans, cannes et chapeaux! 

MARCHAND D'ELIXIR 
Elixir pour l'estomac! 

UN CUISINIER 
Il est temps qu'on se régale! 

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
(Les Marchands avec la foule) 
C'est fête au Cours-la-Reine!
On y rit, on y boit à la santé du Roi! 

(Marchandes et Marchands poursuivant 
Lescaut entre la foule.) 

Scène Seconde

LES VENDEURS
Tenez, monsieur!
Tenez, monsieur!
Prenez, monsieur! choisissez!
Prenez! Choisissez! 

LESCAUT 
Choisir! Et pourquoi? Donnez encore!
Ce soir, j'achète tout!
C'est pour la beauté que j'adore,
Je m'en rapporte à votre goût, a votre goût! 

(Il prend tous les objets qu'on lui donne
et paie tout le monde)

BOURGEOISES ET BOURGEOIS 
Tenez! monsieur, tenez, prenez! 

LESCAUT 
A quoi bon l'économie
Quand on a trois dés en main,
Et que l'on sait le chemin
De l'hôtel de Transylvanie!
A quoi bon! à quoi bon l'économie! 
A quoi bon! à quoi bon l'économie!

BOURGEOISES & BOURGEOIS 
Tenez! monsieur, tenez, prenez! 

LESCAUT 
(montrant qu'il a les bras remplis de ses achats)
Assez! Assez! 

(avec sentiment) 

O Rosalinde,
Il me faudrait gravir le Pinde,
Pour te chanter comme il convient!
Que sont les sultanes de l'Inde
Et les Armide et les Clorinde,
Près de toi, que sont elles?
Rien... rien du tout!
Rien du tout!
Ô ma Rosalinde, 
Je veux gravir le Pinde
Pour te chanter comme il convient!
Ma Rosalinde! Ma Rosalinde! Ma Rosalinde!

Choisir! choisir! non, ma foi!
A quoi bon l'économie,
Quand on a trois dés en main
Et que l'on sait le chemin
De l'hôtel de Transylvanie!
A quoi bon! à quoi bon l’économie! 

(avec sentiment) 

Approchez!
Ô belles! approchez!
J'offre un bijou... J'offre un bijou.
J'offre un bijou pour deux baisers! 

(Sortie de Lescaut. Mouvement dans la foule. 
Poussette, Javotte et Rosette sortent du bal.) 

Scène Troisième

GUILLOT 
(les apercevant) 
Bonjour Poussette! 

POUSSETTE 
(avec un cri) 
Ah! ciel! 

GUILLOT 
Bonjour, Javotte! 

JAVOTTE 
(de même, elles se sauvent) 
Ah! Dieu! 

GUILLOT 
Bonjour, Rosette! 

ROSETTE 
(Se sauvant)
Ah! 

GUILLOT 
Morbleu! Elles me plantent là! 
coquine! Péronnelle!
Et j'en avais pris trois... 
pourtant il me semblait
Pourvoir compter, si l'une me trompait,
Qu'une autre au moins serait fidèle... 
La femme est, je l'avoue, un méchant animal! 

BRÉTIGNY 
(qui est entré sur ces dernières paroles) 
Ah! Ah! Pas mal, Guillot, ce mot là n'est pas mal! 
Mais il n'est pas de vous! 

(Guillot le regarde avec fureur.) 

Dieu! Quel sombre visage!
Dame Javotte, je le gage
Vous aura fait des traits... 

GUILLOT 
Javotte, c'est fini! 

BRÉTIGNY 
Et Poussette? 

GUILLOT 
Poussette aussi! 

BRÉTIGNY 
Vous voilà libre alors? 

(ironiquement) 

Guillot, je vous en prie
N'allez pas m'enlever Manon! 

GUILLOT 
Vous enlever... 

BRÉTIGNY 
Non, jurez-moi que non! 

GUILLOT 
Laissons cette plaisanterie!
Mais dites-moi, mon cher, on m'a conté
A propos de Manon, que vous ayant prié
De faire venir l'opéra chez elle,
Vous avez, en dépit des larmes de la belle,
Répondu: Non, 

BRÉTIGNY 
C'est très vrai; la nouvelle
Est exacte 

GUILLOT 
Il suffit; souffrez que je vous quitte.
Pour un instant,... mais je reviendrai vite. 

(Il sort en se frottant les mains et en fredonnant) 

Dig et dig et don!
Dig et dig et don!
On te la prendre ta Manon!
Dig et dig et don!
On te la prendre ta Manon! 

(Les Promeneurs et les Marchands reviennent.) 

Scène Quatrième

MARCHANDES, MARCHANDS, 
BOURGEOISES, ET BOURGEOIS 
Voici les élégantes!
Les belles indolentes!
Maîtresses des coeurs
Aux regards vainqueurs! 

(Pendant ce temps, Brétigny s'est avancé avec
quelques seigneurs de ses amis et a aidé Manon
à descendre de sa chaise.) 

BOURGEOIS 
(Entr'eux) 
Quelle est cette princesse? 

MARCHANDS 
(de même) 
C'est au moins une Duchesse! 

MARCHANDES 
(aux promeneurs) 
Eh! Ne savez-vous pas son nom?
C'est Manon! 

MARCHANDS, BOURGEOIS, 
MARCHANDES ET BOURGEOISES 
Voici les élégantes!
Les belles indolentes, 
Maîtresses des coeurs
Aux regards vainqueurs! 

BRÉTIGNY 
(à Manon) 
Ravissante Manon! 

LES SEIGNEURS 
(avec empressement) 
Ravissante Manon! 

MANON 
Suis-je gentille ainsi? 

BRÉTIGNY ET LES SEIGNEURS 
Adorable! Divine! Divine! 

MANON 
Est-ce vrai? grand merci! 

(avec coquetterie) 

Je consens, vu que je suis bonne,
A laisser admirer ma charmante personne! 

(avec impertinence et gaieté) 

Je marche sur tous les chemins,
Aussi bien qu'une souveraine,
On s'incline, on baise ma main,
Car par la beauté je suis reine!
Je suis reine!

Mes chevaux courent à grands pas.
Devant ma vie aventureuse,
Les grands s'avancent chapeau bas... 
Je suis belle, je suis heureuse!
Je suis belle!

Autour de moi tout doit fleurir!
Je vais à tout ce qui m'attire!
Et, si Manon devait jamais mourir,
Ce serait, mes amis, dans un éclat de rire!
Ah! Ah! Ah! Ah! 

BRÉTIGNY, LES SEIGNEURS 
Bravo! Bravo! Manon! Bravo!

MANON
Ah! Ah! Ah!
Obéissons quand leur voix appelle
Aux tendres amours,
Toujours, toujours, toujours,
Tant que vous êtes belle, 
usez sans les compter vos jours, tous vos jours!

Profitons bien de la jeunesse,
Des jours qu'amène le printemps;
Aimons, rions, chantons sans cesse,
Nous n'avons encor que vingt ans! 

BRÉTIGNY ET LES SEIGNEURS 
(Brétigny avec les basses) 
Profitons bien de la jeunesse!

MANON 
Profitons bien de la jeunesse,
Aimons, rions, chantons sans cesse,
Nous n'avons encor que vingt ans! 

BRÉTIGNY ET LES SEIGNEURS 
Profitons bien de la jeunesse!
Rions! Ah! ah! 

MANON
(en riant) 
Ah! ah!
Le coeur, hélas! le plus fidèle,
Oublie en un jour l'amour,
L'amour... L'amour,
Et la jeunesse ouvrant son aile a disparu sans retour.
Sans retour.

Profitons bien de la jeunesse,
Bien court est le printemps!
Aimons, chantons, rions sans cesse,
Nous n'aurons pas toujours vingt ans! 

BRÉTIGNY ET LES SEIGNEURS 
Profitons bien de la jeunesse!

MANON 
Profitons bien de la jeunesse!
Aimons, chantons, rions sans cesse,
Profitons bien de nos  vingt ans ! Ah! Ah!

BRÉTIGNY ET LES SEIGNEURS
Profitons bien de la jeunesse!
Aimons, chantons, rions sans cesse,
Profitons bien de nos  vingt ans ! Ah! Ah!

MANON
(à Brétigny) 
Et maintenant... restez seul un instant.
Je veux faire ici quelque emplette... 

BRÉTIGNY 
(galamment) 
Avec vous disparaît tout l'éclat de la fête!
Ravissante Manon!
Avec vous disparaît tout l'éclat de la fête! 

MANON 
Une fadeur! 
C'est du dernier galant!
On n'est pas grand Seigneur sans être un peu poète! 

(Manon s'éloigne et se dirige vers les 
petites boutiques du fond, escortée des 
curieux qui sortent peu à peu.) 

PROMENEURS, MARCHANDS 
ET MARCHANDES 
Voici les élégantes!
Les belles indolentes!
Maîtresses des coeurs!
Aux regards vainqueurs! 

LA MOITIE 
(en s'éloignant) 
Les élégantes... 

ENCORE MOINS 
(de même) 
Les élégantes! 

UN MARCHAND 
(au loin) 
Poudre, rapes à tabac! 

Scène Cinquième

BRÉTIGNY 
Je ne me trompe pas, le Comte Des Grieux... 

LE COMTE 
Monsieur de Brétigny? 

BRÉTIGNY 
Moi-même,
C'est à peine si je puis en croire mes yeux!
Vous, à Paris? 

LE COMTE 
C'est mon fils qui m'amène.

BRÉTIGNY 
Le Chevalier? 

LE COMTE 
Il n'est plus Chevalier,
C'est l'abbé Des Grieux qu'à présent il faut dire 

MANON 
(qui s'est rapprochée tout en feignant 
de parler à un marchand) 
Des Grieux! 

BRÉTIGNY 
Abbé! Lui! Comment! 

LE COMTE 
Le Ciel l'attire!
Dans les ordres, il veut entrer.
Il est à St. Sulpice, et ce soir en Sorbonne,
Il prononce un discours. 

(Manon s'éloigne après avoir 
entendu ces derniers mots)

BRÉTIGNY 
(souriant) 
Abbé! Cela m'étonne, un pareil changement... 

LE COMTE 
(souriant aussi) 
C'est vous qui l'avez fait,
En vous chargeant de briser net
L'amour qui l'attachait à certaine personne... 

BRÉTIGNY 
(montrant Manon qui est au fond) 
Plus bas! 

LE COMTE 
C'est elle? 

BRÉTIGNY 
Oui, c'est Manon. 

LE COMTE 
(gouailleur) 
Je devine alors la raison
Qui vous fit, avec tant de zèle,
Prendre les intérêts de mon fils... 

(voyant Manon qui se rapproche) 

Mais, pardon! Elle veut vous parler... 

(Il salue et s'éloigne un peu, à part) 

Elle est vraiment fort belle! 

MANON 
(à Brétigny) 
Je voudrais, mon ami, avoir un bracelet pareil à 
celui-ci...
Je ne puis le trouver... 

BRÉTIGNY 
C'est bien, je vais moi-même... 

(Il salue Le Comte et sort.) 

LE COMTE 
(à part) 
Elle est charmante et je comprends qu'on l'aime! 

Scène Sixième

MANON 
(au Comte, avec embarras) 
Pardon! Mais j'étais là... près de vous, à deux pas...
J'entendais malgré moi...
Je suis très curieuse... 

LE COMTE 
(souriant) 
C'est un petit défaut... très petit... ici-bas... 

(saluant, voulant s'éloigner) 

Madame! 

MANON 
(se rapprochant) 
Il s'agissait... d'une histoire... amoureuse? 

LE COMTE 
(étonné) 
Mais oui... 

MANON 
(contenant son émotion) 
C'est que je crois...
Pardonnez-moi, je vous en prie
Je crois... que cet abbé Des Grieux... autrefois... 
aimait... 

LE COMTE 
Qui donc? 

MANON 
Elle était mon amie 

LE COMTE 
Ah! très bien. 

MANON 
(avec une émotion croissante) 
Il l'aimait... 
et je voudrais savoir...
Si sa raison sortit victorieuse...
Et si, de l'oublieuse
Il a pu parvenir
A chasser de son coeur... le cruel souvenir? 

LE COMTE 
(légèrement et cependant avec expression) 
Faut-il donc savoir tant de choses?
Que deviennent les plus beaux jours? 
Où vont les premières amours?
Où vole le parfum des roses? 

MANON 
(à part) 
Mon Dieu! Mon Dieu!
Donnez-moi le courage
De tout oser lui demander!
Mon Dieu! Mon Dieu!
Donnez-moi le courage
De tout oser lui demander! 

LE COMTE 
Ignorer n'est-il pas plus sage,
Au passé pourquoi s'attarder? 

MANON 
Un mot encore!...
A-t-il souffert de son absence?
Vous a-t-il dit parfois son nom? 

LE COMTE 
(la regardant fixement) 
Ses larmes coulaient en silence. 

MANON 
(très émue) 
L'a-t-il maudite, en pleurant? 

LE COMTE 
Non! 

MANON 
Vous a-t-il dit que la parjure
L'avait aimé? 

LE COMTE 
(après avoir hésité) 
Son coeur, guéri de sa blessure,
S'est refermé! 

MANON 
Mais depuis? 

LE COMTE 
(légèrement et avec intention) 
Il a fait ainsi que votre amie,
Ce que l'on doit faire ici bas,
Quand on est sage,
N'est ce pas?
On oublie! 

MANON 
(douloureusement) 
On oublie! 

(Le Comte salue respectueusement et se retire. 
À elle-même) 

... on oublie! 

(Variante pour les Théâtres qui n'ont pas de Ballet) 

MANON 
(revenant subitement à elle) 
Non, sa vie à vie à la mienne est pour jamais liée...
Il ne peut m'avoir oubliée! 

(Elle se dispose à partir lorsqu'elle aperçoit Lescaut 
donnant le bras à Rosalinde et entrant en scène 
suivi de la foule. S'adresse à Lescaut.) 

Ma chaise, mon Cousin? 

LESCAUT 
(quittant le bras de Rosalinde et s'avançant 
avec empressement) 
On faut-il vous porter, Cousine? 

MANON 
À St. Sulpice! 

LESCAUT 
(stupéfait) 
A St. Sulpice! Quel est ce bizarre caprice? 
Pardonnez-moi de vous faire répéter... à St. Sulpice? 

MANON 
(résolument et remontant pour sortir) 
A St. Sulpice! 

(Elle sort suivie de Lescaut qui fait de grands 
gestes d'étonnement. La foule des seigneurs, dames 
élégantes, promeneurs et marchants revient. Entrent 
 Brétigny, Guillot puis Lescaut, accompagnés
de plusieurs amis. Les passages suivants sont parlés) 

Scène Septième

BRÉTIGNY 
Répondez-moi, Guillot! 

(On rit.) 

GUILLOT 
Jamais!
Mais rira bien qui rira le dernier! 

BRÉTIGNY 
Monsieur de Morfontaine, vous allez tout me dire! 

GUILLOT 
A vous, mon ami, rien! 

(se tournant vers Manon) 

Mais à vous, ô ma Reine! 

BRÉTIGNY 
Plaît-il? 

GUILLOT 
Eh bien! Oui...l'Opéra que vous lui refusiez...
Il sera dans un instant... ici. 

(Mouvement dans la foule.) 

BRÉTIGNY 
Je dois rendre les armes! 

(à Manon) 

Manon, vous êtes triste! 

MANON 
Oh! non! 

BRÉTIGNY 
On dirait que des larmes... 

MANON 
Folie! 

GUILLOT 
(à Manon) 
Allons, Manon, 
Approchez, s'il vous plaît, 

(avec importance) 

On va danser pour vous notre nouveau ballet! 

(à Lescaut) 

Lescaut, venez! 

LESCAUT 
(vivement empressé) 
Je suis là pour vous plaire... 

GUILLOT 
Veillez... le tout est à mes frais, 
A ce qu'on donne à boire au populaire... 

(tirant sa bourse) 

Combien? 

LESCAUT 
(prenant la bourse et s'éloignant) 
Nous compterons après! 

SEIGNEURS, PROMENEURS, 
MARCHANDS ET BRÉTIGNY 
Voici l'Opéra! Voici l'Opéra! 
Voici l'Opéra! L'Opéra!

PREAMBULE: La Présentation 

BRÉTIGNY, SEIGNEURS ET BOURGEOIS 
L'Opéra! Voici l'Opéra!
Tout Paris... tout Paris.. 
en parlera! En parlera!
C'est le ballet de l'Opéra! 

(Entr’eux) 

C'est un plaisir... c'est un plaisir... etc.
de souveraine! de souveraine! etc.
Et son rival...  enragera! etc
L'ami Guillot... se ruinera! etc
Avoir fait venir l'Opéra!

GUILLOT 
(à part, avec joie) 
C'est un plaisir de souveraine!
Avoir fait venir l'Opéra
Et son ballet au Cours-la-Reine! 

(En imitant le mouvement des danseurs) 

Mon rival enragera!
Il enragera! 

BRÉTIGNY, SEIGNEURS ET BOURGEOIS 
L'Opéra! Voici l'Opéra!
Tout Paris... tout Paris.. 
en parlera! En parlera!
C'est le ballet de l'Opéra! 

BALLET 

MANON 
(à part, à elle-même, troublée) 
Non... sa vie à la mienne est pour jamais liée!
Il ne peut m'avoir oubliée... 

(voyant Lescaut près d'elle) 

ma chaise, mon cousin... 

LESCAUT 
Où faut-il vous porter cousine? 

MANON 
À St. Sulpice! 

LESCAUT 
Quel est ce bizarre caprice?
Pardonnez-moi de faire répéter...
À St. Sulpice? 

MANON 
À St. Sulpice! 

GUILLOT 
Eh bien, maîtresse de ma vie qu'en dites-vous? 

MANON 
Je n'ai rien vu! 

GUILLOT 
(stupéfait) 
Rien vu!... voilà le prix de ma galanterie! 
Est-ce là ce qui m'était dû? 

(Variante pour les Théâtres qui n'ont pas de ballet
Recommence ici.)

LA FOULE 
C'est fête au Cours-la-Reine!
On y danse, On y boit à la santé du Roi!
A la santé du Roi! 

(Le Choeur continue rideau baissé.) 

DEUXIÈME TABLEAU 


La parloir du séminaire de St. Sulpice

Scène Première

(Grand Orgue derrière le rideau baissé. 
Grandes Dames et Bourgeoises dévotes 
sortant de la chapelle du séminaire.) 

CHOEUR DES DAMES 
(entr'elles, parlant de Des Grieux) 
Quelle éloquence!
Quelle abondance! Etc
L'admirable orateur! Etc
Le grand prédicateur! Etc
Quelle éloquence!
Et dans sa voix quelle douceur!
Quelle douceur, et quelle flamme!
Comme en l'écoutant... 
La ferveur pénètre doucement 
jusqu'au fond de nos âmes!
Ah! Ah! Quel orateur!
L'admirable orateur
Le grand prédicateur!
De quel art divin, etc
Il A dans sa thèse. etc
Peint Saint Augustin, etc
Et Sainte Thérèse!
Lui-même est un Saint!
C'est un fait certain! Un saint!
N'est-ce pas, ma chère?
C'est un Saint, etc
C'est certain, etc
C'est un Saint! un saint!

(Des Grieux paraît. Les dévotes, 
entr'elles, avec dévotion.) 

C'est Lui! c'est l'abbé Des Grieux 
Voyez comme il baisse les yeux! 

(Les dévotes et les fidèles sortent 
peu à peu après avoir salué Des 
Grieux avec de profondes révérences. Le
passage suivant est parlé) 

Scène Seconde

LE COMTE DES GRIEUX 
Bravo, mon cher, succès complet!
Notre maison doit être fière
D'avoir parmi les siens un nouveau Bossuet. 

DES GRIEUX 
De grâce, épargnez-moi, mon père!. 

(Silence) 

LE COMTE 
Et, c'est pour de bon, chevalier, 
Que tu prétends au ciel pour jamais te lier? 

DES GRIEUX 
Oui, Je n'ai trouvé dans la vie
Qu'amertume et dégoût... 

LE COMTE 
(Avec une légère ironie) 
Les grands mots que voilà!
Quelle route as-tu donc suivie,
Et que sais-tu de cette vie
Pour penser qu'elle finit là?

Epouse quelque brave fille,
Digne de nous, digne de toi,
Deviens un père de famille
Ni pire, ni meilleur que moi,
Le ciel n'en veut pas davantage;
C'est là le devoir, entends-tu?
C'est là le devoir,
La vertu qui fait du tapage
N'est déjà plus de la vertu!
Epouse quelque brave fille,
Digne de nous, digne de toi,
Le ciel n'en veut pas davantage;
C'est là le devoir, c'est là le devoir! 

DES GRIEUX 
Rien ne peut m'empêcher
De prononcer mes voeux! 

LE COMTE 
C'est dit alors? 

DES GRIEUX 
Oui, je le veux! 

LE COMTE 
Soit! Je franchirai donc seul cette grille, 
Et vais leur annoncer là-bas
Qu'ils ont un Saint dans la famille...
J'en sais beaucoup qui ne me croiront pas! 

DES GRIEUX 
Ne raillez pas, Monsieur, je vous en prie! 

LE COMTE 
(ému) 
Un mot encore! Comme il n'est pas certain
Que l'on te donne ici, du jour au lendemain,
Un bénéfice, une abbaye...
Je vais dès ce soir t'envoyer
Trente mille livres... 

DES GRIEUX 
Mon père... 

LE COMTE 
C'est à toi, c'est ta part
Sur le bien de ta mère;
Et maintenant... adieu, mon fils, 

DES GRIEUX 
Adieu mon père! 

LE COMTE 
Adieu... reste à prier! 

(Il sort)

Scène Troisième

DES GRIEUX 
(seul) 
Je suis seul!
Seul enfin!
C'est le moment suprême! 

(calme) 

Il n'est plus rien que j'aime
Que le repos sacré que m'apporte la foi!
Oui, j'ai voulu mettre Dieu même
Entre le monde et moi! 

(très calme) 

Ah! fuyez, douce image, à mon âme trop chère;
Respectez un repos cruellement gagné,
Et songez, si j'ai bu dans une coupe amère,
Que mon coeur l'emplirait de ce qu'il a saigné!
Ah! fuyez! fuyez! loin de moi!
Ah! fuyez!

Que m'importe la vie et ce semblant de gloire?
Je ne veux que chasser du fond de ma mémoire... 
Un nom maudit! ce nom... qui m'obsède et 
pourquoi? 

LE PORTIER DU SEMINAIRE 
C'est l'office! 

DES GRIEUX 
(à lui-même) 
J'y vais!
Mon Dieu!
De votre flamme
Purifiez mon âme...
Et dissipez à sa lueur
L'ombre qui passe encor dans le fond de mon coeur!

Ah! fuyez, douce image, à mon âme trop chère! 
Ah! fuyez! fuyez! loin de moi!
Ah! fuyez! loin de moi! loin de moi! 

(cloche lointaine) 

Scène Quatrième

LE PORTIER DU SEMINAIRE 
Il est jeune... et sa foi
Semble sincère... il a fait grand émoi
Parmi les plus belles
De nos fidèles! 

(Manon paraît.) 

Scène Cinquième

MANON 
(avec effort) 
Monsieur... je veux parler... à... l'Abbé... Des Grieux! 

LE PORTIER DU SEMINAIRE 
Fort bien! 

MANON 
(lui donnant de l'argent) 
Tenez! 

(Le Portier de Séminaire salue et sort.) 

Scène Sixième

Ces murs silencieux...
Cet air froid qu'on respire...
Pourvu que tout cela n'ait pas changé son coeur!
Devenu sans pitié pour une folle erreur
Pourvu qu'il n'ait pas appris à maudire! 

VOIX DANS LA CHAPELLE 
DU SEMINAIRE 
(dans le lointain) 
Magnificat anima mea
Dominum,
Et exultavit spiritus meus. 

MANON 
(écoutant) 
Là-bas... on prie... Ah!... je voudrais prier!
Pardonnez-moi,
Dieu de toute puissance,
Pardonnez-moi,
Dieu de toute puissance,
Car si j'ose vous supplier,
En implorant votre clémence,
Si ma voix de si bas... peut monter jusqu'aux cieux... ah! 

(très expressif) 

C'est pour vous demander le coeur de Des Grieux! 
Pardonnez-moi, mon Dieu! pardonnez-moi, mon Dieu! 

VOIX DANS LA CHAPELLE 
DU SÉMINAIRE 
In Deo Salutari meo,
Salutari meo. 

(Des Grieux entre par le fond.) 

Scène Septième

MANON 
(avec angoisse) 
C'est lui! 

(Manon se détourne, elle est prête à 
défaillir. Des Grieux s'avance.) 

DES GRIEUX 
Toi! 

(presque parlé) 

Vous! 

MANON 
Oui... c'est moi!... c'est moi!
Oui! c'est moi! 

DES GRIEUX 
Que viens tu faire ici?
Va-t'en! Va-t'en!
Eloigne-toi! 

MANON 
(douloureux et suppliant) 
Oui! Je fis cruelle et coupable!
Mais rappelez-vous tant d'amour!
Ah! dans ce regard qui m'accable
Lirai-je mon pardon, un jour? 

DES GRIEUX 
Eloigne-toi! 

MANON 
Oui! Je fus cruelle et coupable!
Ah! rappelez-vous tant d'amour!
Rappelez-vous tant d'amour! 

DES GRIEUX 
Non! j'avais écrit sur le sable
Ce rêve insensé d'un amour
Que le ciel n'avait fait durable
Que pour un instant, 

(avec amertume) 

pour un jour! 

MANON 
Oui! je fus coupable!
Oui! je fus cruelle... 

DES GRIEUX 
J'avais écrit sur le sable...
C'était un rêve
Que le ciel n'avait fait durable
Que pour un instant pour un jour!
Ah! perfide Manon! 

MANON
(se rapprochant) 
Si je me repentais... 

DES GRIEUX 
Ah! perfide! perfide! 

MANON 
Est-ce que tu n'aurais pas de pitié? 

DES GRIEUX 
(l'interrompant) 
Je ne veux pas vous croire...
Non! Vous êtes sortie enfin de ma mémoire...
Ainsi que de mon coeur! 

MANON
(avec des larmes) 
Hélas! Hélas! l'oiseau qui fuit 
Ce qu'il croit l'esclavage
Le plus souvent la nuit,
D'un vol désespéré revient battre au vitrage! 
Pardonne moi! 

DES GRIEUX 
No! 

MANON 
Je meurs à tes genoux... 

(avec élan et désespoir) 

Ah! rends moi ton amour si tu veux que je vive! 

DES GRIEUX 
Non! il est mort pour vous! 

MANON 
L'est il donc à ce point que rien ne le ravive!
Ecoute-moi!
Rappelle-toi! 

(avec un grand charme et très caressant) 

N'est-ce plus ma main que cette main presse? 
N'est-ce plus ma voix?
N'est-elle pour toi plus une caresse,
Tout comme autrefois?
Et ces yeux, jadis pour toi pleins de charmes,
Ne brillent-ils plus à travers 

(avec un sanglot) 

mes larmes? 

(très ému et haletant) 

Ne suis-je plus moi?
N'ai-je plus mon nom?
Ah! regarde-moi! Regarde-moi!
N'est-ce plus ma main que cette main presse,
Tout comme autrefois?
N'est-ce plus ma voix? 
n'est-ce plus Manon!
Rappelle-toi...
N'est-ce plus ma main? Ecoute-moi:
N'est-ce plus ma voix?
N'ai-je plus mon nom?
N'est-ce plus Manon? 

DES GRIEUX 
(dans le plus grand trouble) 
O Dieu! Soutenez moi dans cet instant suprême... 

MANON 
Je t'aime! 

DES GRIEUX 
Ah! Tais-toi!
Ne parle pas d'amour ici.. C'est un blasphème... 

MANON 
Je t'aime! 

DES GRIEUX 
Ah! Tais-toi!
Ne parle pas d'amour! 

MANON 
(enfiévrée) 
Je t'aime! 

(Cloche lointaine) 

DES GRIEUX 
(écoutant, avec angoisse) 
C'est l'heure de prier... 

MANON 
Non! Je ne te quitte pas! 

DES GRIEUX 
On m'appelle là-bas... 

MANON 
Non! Je ne te quitte pas!
Viens! 

(avec fièvre) 

N'est-ce plus ma main que cette main presse,
Tout comme autrefois? 

DES GRIEUX 
(éperdu peu à peu) 
Tout comme autre fois! 

MANON 
Et ces yeux, jadis, pour toi pleins de charmes, 
N'est-ce plus Manon? 

DES GRIEUX 
Tout comme autrefois...
Tout comme autrefois... 

MANON 
Ah! Regarde-moi!
Ne suis-je plus moi?
N'est-ce plus Manon? 

DES GRIEUX 
(avec élan) 
Ah! Manon!
Je ne veux plus lutter contre moi même! 

MANON 
(avec un cri de joie) 
Enfin! 

DES GRIEUX 
Et dussé-je sur moi faire crouler les cieux...
Ma vie est dans ton coeur,
Ma vie est dans tes yeux... 

(avec exaltation et abandon) 

Ah! Viens! Manon 
Je t'aime! 

MANON & DES GRIEUX 
(avec ardeur) 
Je t'aime! 

RIDEAU 

ACTO III


CUADRO PRIMERO 

Cours-la-Reine

Escena Primera

(El paseo de Cours-la-Reine un día de fiesta. 
Entre los árboles, unas tiendas de diversos
vendedores: modistas, vendedores de juguetes,
saltimbanquis, vendedores de canciones,
etc. A la derecha, el rótulo anunciando un
baile. Gran movimiento de gente al levantarse 
el telón. Unos vendedores y unas vendedoras 
persiguen a los paseantes, señores y burgueses,
ofreciéndoles toda clase de objetos)

LOS VENDEDORES
¡Mirad zapatillas con florecitas!
¡Toquillas y capuchas!

UNA VENDEDORA
¡Rojos, pañuelos y puños!

UN POETA
¡Compradme mis canciones!

VENDEDORES
(tenores)
Décimos de lotería

(Bajos)

¡Cintas, bastones y sombreros!

UN VENDEDOR
¡Polvo, picadura de tabaco!

UN CURANDERO
¡Remedio para el estómago!

UN COCINERO
¡Es el momento de invitarlo!
¡Mi cocina no tiene igual!

MODISTAS
¡Gorritos, canastillas, encajes!
¡Gasa, lino y manguitos,
bombones y pastelería!
¡Juguetes, pelotas y peonzas!
¡Toquillas y capuchas!

UNA VENDEDORA
¡Plumas y finos penachos!
¡Rojos, pañuelos y puños!

UNA MODISTA
¡Mirad zapatillas con florecitas!

VENDEDORES
¡Décimos de lotería!
¡Cintas, bastones y sombreros!

BURGUESES
(Los vendedores con la gente)
¡Es fiesta en Cours-la-Reine!
¡Se ríe y se bebe a la salud del rey!
¡Se ríe y se bebe
durante toda una semana!
¡Se ríe y se bebe a la salud del rey!
¡Es fiesta en Cours-la-Reine!
¡Se bebe a la salud del rey!

(Poussette y Javotte salen del baile.
Dos pequeños gamines que parecen
buscar entre la gente, las divisan
y a un signo de ellas corren a su
encuentro. Rosette también aparece.
Se oye música de baile a lo lejos)

POUSSETTE,  JAVOTTE
Este paseo es encantador.
¡Ah! ¡Qué lugar tan agradable!... ¡Qué bien se está!
¡Está bien que nos divirtamos,
lejos de las miradas de los envidiosos!

POUSSETTE
(a los gamines, con precaución)
¡De acuerdo!

JAVOTTE
¡Compórtate!

ROSETTE
¡Una sola palabra podría comprometernos!

POUSSETTE
¡Correcto!

JAVOTTE
¡Mi corazón quiere volar libre!

POUSSETTE
¡Libre!

ROSETTE
¡Pero que Guillot no sepa nada!

POUSETTE,  JAVOTTE
¡Pero que Guillot no sepa nada! ¡nada!

JAVOTTE
¡Nada!

POUSSETTE
¡Nada!

POUSSETTE, JAVOTTE
(cambiando el tono)
Qué paseo tan encantador.
¡Ah! ¡Qué lugar tan agradable... ¡Qué bien se está!
¡Está bien que nos divirtamos,
lejos de las miradas de los envidiosos!

POUSSETTE
¡Está bien!

JAVOTTE
¡Qué paseo tan encantador!
¡Qué bien se está!

POUSSETTE
¡Qué paseo tan encantador!

POUSSETTE Y JAVOTTE
¡Lejos de las miradas de los envidiosos!
¡Qué bien se está!

(Poussette y Javotte vuelven a entrar
en el baile. Rossette se aleja)

MODISTAS
¡Mirad zapatillas con florecitas!
¡Toquillas y capuchas!

UNA VENDEDORA
¡Rojos, pañuelos y puños!

UN POETA
¡Compradme mis canciones!

UN VENDEDOR
¡Polvo, picadura de tabaco!

VENDEDORES
¡Décimos de lotería!
¡Cintas, bastones y sombreros!

UN CURANDERO
¡Remedio para el estómago!

UN COCINERO
¡Es el momento de invitarlo!

BURGUESES
(Los vendedores con la gente)
¡Es fiesta en Cours-la-Reine!
¡Se ríe y se bebe a la salud del rey!

(Vendedores y vendedoras persiguiendo
a Lescaut entre la gente)

Escena Segunda

LOS VENDEDORES
¡Tened, Señor!
¡Tened, Señor!
¡Tomad, señor! ¡Elegid!
¡Tomad! ¡Elegid!

LESCAUT
¡Elegir! ¿Y por qué? ¡Dad más!
¡Esta noche, lo compro todo!
Es para la belleza que adoro,
¡Me fio de vuestro gusto, a vuestro gusto!

(Toma todos los artículos que se le
ofrecen y los paga generosamente)

BURGUESES
¡Tened, señor, tened, tomad!

LESCAUT
¡Qué buena economía
cuando se tienen unos dados en la mano,
y se conoce el camino
del hotel Transilvania!
¡Qué derroche! ¡Qué buena economía!
¡Qué derroche! ¡Qué buena economía!

BURGUESES
¡Tened, señor, tened, tomad!

LESCAUT
(mostrando las manos llenas)
¡Basta! ¡Basta!

(Con sentimiento)

¡Oh, Rosalinda!
¡Me gustaría poder escalar el monte Pindo,
para ser capaz de cantarte como te mereces!
¿Qué son las sultanas de la India
y las Armidas y las Clorindas,
al lado tuyo, qué son ellas?
¡Nada... nada de nada!
¡Nada de nada!
¡Oh, mi Rosalinda!
¡Quisiera escalar el monte Pindo
para ser capaz de cantarte como te mereces!
¡Mi Rosalinda!  ¡Mi Rosalinda! ¡Mi Rosalinda!

¿Elegir? ¿Elegir? ¡No, a fe mía!
¡Qué buena economía
cuando se tienen unos dados en la mano,
y se conoce el camino
del hotel Transilvania!
¡Qué derroche! ¡Qué buena economía!

(Con sentimiento)

¡Acercaos!
¡Oh, hermosas mujeres! ¡Acercaos!
Ofrezco una joya... Ofrezco una joya.
¡Ofrezco una joya por dos besos!

(Sale seguido por los vendedores.
Poussette, Javotte y Rosette salen del baile)

Escena Tercera

GUILLOT
(distinguiéndolas)
¡Buenos días Poussette!

POUSSETTE
(con un grito se aleja)
¡Ah! ¡Cielos!

GUILLOT
¡Buenos días, Javotte!

JAVOTTE
(grita y se aleja)
¡Ah! ¡Dios mío!

GUILLOT
¡Buenos días, Rosette!

ROSETTE
(se aleja)
¡Ah!

GUILLOT
¡Caramba! ¡Ellas me dejan plantado!
¡Pícaras! ¡Mujeres necias y parlanchinas!
Y yo que había quedado con tres...
y de esa forma asegurarme al menos una,
pues si dos fallaban,
la otra me sería fiel...
¡La mujer es, lo reconozco, un animal travieso!

BRÉTIGNY
(que ha entrado con las últimas palabras)
¡Ja, ja! ¡Cierto, Guillot, esas palabras no están mal!
¡Pero no son propias de vos!

(Guillot le mira con furia)

¡Dios mío! ¡Qué mirada tan sombría!
Apuesto a que os ha dejado plantado
la señora Javotte.

GUILLOT
¡Javotte ha acabado!

BRÉTIGNY
¿Y Poussette?

GUILLOT
¡Poussette también!

BRÉTIGNY
¿Estáis libre entonces?

(Con ironía)

Guillot, os lo ruego,
¡no iréis a quitarme a Manón!

GUILLOT
¿Quitaros?...

BRÉTIGNY
¡No, juradme que no!

GUILLOT
¡Dejemos esta broma!
Pero, decidme, querido amigo, me han contado
a propósito de Manón, que os había rogado
que  la representación fuera en su casa,
y que habéis, a pesar de sus lágrimas,
respondido: no.

BRÉTIGNY
Es muy cierto; la noticia
es exacta.

GUILLOT
Es suficiente por ahora; dejadme que os deje
por unos momentos,... pero volveré rápidamente.

(sale frotándose las manos y tarareando)

¡Dig y dig y don!
¡Dig y dig y don!
¡Algún otro tomará a su Manón!
¡Dig y dig y don!
¡Algún otro tomará a su Manón!

(Los paseantes y los vendedores vuelven)

Escena Cuarta

VENDEDORES,
BURGUESES
¡Aquí vienen las mujeres elegantes!
¡Las damas indolentes!
¡Dueñas de los corazones
con sus miradas vencedoras!

(Durante este tiempo, Brétigny se ha adelantado
con algunos señores amigos y ha ayudado a Manón
a bajar de su vehículo)

BURGUESES
(Entre ellos)
¿Quién es esta princesa?

VENDEDORES
(igualmente)
¡Es como mínimo una duquesa!

VENDEDORAS
(a los paseantes)
¡Eh! ¿No sabéis su nombre?
¡Es Manón!

VENDEDORES, BURGUESES,
VENDEDORAS Y BURGUESAS 
¡Aquí vienen las mujeres elegantes!
¡Las damas indolentes!
¡Dueñas de los corazones
con sus miradas vencedoras!

BRÉTIGNY
(A Manón)
¡Encantadora Manón!

LOS SEÑORES
(con diligencia)
¡Encantadora Manón!

MANÓN
¿Estoy bella?

BRÉTIGNY, SEÑORES
¡Adorable! ¡Divina! ¡Divina!

MANÓN
¿Cierto? ¡Muchas gracias!

(Con coquetería)

¡Consiento, puesto que soy tan buena,
en dejar admirar mi encantadora persona!

(Con impertinencia y alegría)

¡Cuando ando por los caminos,
al igual que a una soberana,
todos se inclinan, besando mi mano,
pues soy reina por mi belleza!
¡Soy reina!

Mis caballos corren veloces
ante mi vida aventurera,
los grandes se quitan el sombrero...
¡Soy bella, soy afortunada!
¡Soy bella!

¡Alrededor mío todo debe florecer!
¡Voy a todo lo que me atrae!
¡Y, si Manón no muriera nunca,
esto sería, amigos míos, una carcajada!
¡Ja, ja, ja ,ja!

BRÉTIGNY,  LOS SEÑORES
¡Bravo! ¡Bravo! ¡Manón! ¡Bravo!

MANÓN
¡Ah! ¡Ah! ¡Ah!
Obedeced, cuando su voz llama,
al tierno amor,
siempre, siempre, siempre,
mientras que seais bellas.
¡Aprovechad sin temor todos vuestros días!

Bebamos la juventud,
los días que trae la primavera.
Amemos, riamos, cantemos sin cesar,
¡No tenemos mas que veinte años!

BRÉTIGNY,  LOS SEÑORES
(Brétigny y los bajos)
¡Bebamos la juventud!

MANÓN
¡Bebamos la juventud!
Amemos, riamos, cantemos sin cesar.
¡No tenemos mas que veinte años!

BRÉTIGNY,  LOS SEÑORES
¡Bebamos la juventud!
¡Riamos! ¡Ah! ¡Ah!

MANÓN
(riendo)
¡Ah! ¡Ah!
El corazón ¡ay de mí! aún el más fiel,
olvida en un día el amor,
el amor... el amor.
Y la juventud levantado el vuelo 
desaparece para no volver.

¡Bebamos la juventud!
¡Muy corta es la primavera! 
¡Amemos, cantemos, riamos sin cesar,
no tendremos siempre veinte años!

BRÉTIGNY,  LOS SEÑORES
¡Bebamos la juventud!

MANÓN
¡Bebamos la juventud!
¡Amemos, cantemos, riamos sin cesar,
aprovechemos bien nuestros veinte años! ¡Ja, ja!

BRÉTIGNY,  LOS SEÑORES
¡Bebamos la juventud!
¡Amemos, cantemos, riamos sin cesar,
aprovechemos bien nuestros veinte años! ¡Ja, ja!

MANÓN
(a Brétigny)
Y ahora... quedaos aquí un momento.
Quiero hacer alguna compra...

BRÉTIGNY
(con galantería)
¡Con vos desaparece todo el esplendor de la fiesta!
¡Encantadora Manón!
¡Con vos desaparece todo el esplendor de la fiesta!

MANÓN
¡Eso es una sosería!
¡Es muy poco galante!
¡No se es un gran señor sin ser un poco poeta!

(Manón se aleja y se dirige hacia las
pequeñas tiendas del fondo, rodeada de
curiosos que salen poco a poco)

PASEANTES, VENDEDORES,
VENDEDORAS
¡Aquí vienen las mujeres elegantes!
¡Las damas indolentes!
¡Dueñas de los corazones
con sus miradas vencedoras!

LA MITAD
(alejándose)
La elegantes...

TODAVÍA MENOS
(igualmente)
¡Las elegantes!

UN VENDEDOR
(a lo lejos)
¡Polvo, picadura de tabaco!

Escena Quinta

BRÉTIGNY
No me equivoco, el conde Des Grieux...

EL CONDE
¿Señor de Brétigny?

BRÉTIGNY
Yo mismo.
¡No puedo creer lo que ven mis ojos!
¿Vos en París?

EL CONDE
Es mi hijo quien me trae.

BRÉTIGNY
¿El caballero?

EL CONDE
Ya no es el caballero,
ahora debe ser llamado abate Des Grieux

MANÓN
(que se aproxima fingiendo
hablar a un vendedor)
¡Des Grieux!

BRÉTIGNY
¡Abad! ¡Él! ¿Cómo...?

EL CONDE
¡El Cielo lo llama!
Él quiere entrar en un convento.
Está en San  Sulpicio, y esta noche en la Sorbona,
pronunciará un discurso...

(Manón se aleja después de haber
 oído estas palabras)

BRÉTIGNY
(sonriendo)
¡Abad! Me extraña, un cambio semejante...

EL CONDE
(sonriendo también)
Sois vos quien lo ha conseguido,
cuando se os encargó cortar el amor 
que lo ligaba a cierta persona...

BRÉTIGNY
(señalando a Manón que está en el fondo)
¡Más bajo!

EL CONDE
¿Es ella?

BRÉTIGNY
Sí, es Manón.

EL CONDE
(burlón)
Adivino entonces la razón que os hace,
con tanto celo, 
velar por los intereses de mi hijo...

(viendo que Manón se aproxima)

Pero, ¡perdóneme! Ella quiere hablaros...

(Él saluda y se aleja un poco, para sí)

¡Es verdaderamente muy bella!

MANÓN
(a Brétigny)
Yo querría, amigo mío, 
un brazalete parecido a éste...
No puedo encontrarlo...

BRÉTIGNY
Está bien, yo iré a mirar..

(saluda al conde y sale)

EL CONDE
(para sí)
¡Es encantadora y entiendo que se la ame!

Escena Sexta

MANÓN
(Al conde, con embarazo)
¡Perdón! Pero estaba allí... cerca de vos, a dos pasos...
Escuchaba a pesar mío...
Soy muy curiosa...

EL CONDE
(sonriendo)
Es una pequeña falta... muy pequeña... 

(Saludando, queriéndose alejar)

¡Señora!

MANÓN
(acercándose)
Se trata... de una historia... amorosa.

EL CONDE
(sorprendido)
Pero si...

MANÓN
(conteniendo su emoción)
Es que yo creo...
Perdonadme, os lo ruego.
Yo creo... que ese abate Des Grieux...en otro tiempo...
amaba...

EL CONDE
¿A quién amaba?

MANÓN
A una amiga mía.

EL CONDE
¡Ah! ¡Muy bien!

MANÓN
(con creciente emoción)
Él la amaba... 
y quisiera saber...
si su razón triunfó sobre sus sentimientos...
Y si, al olvidarse,
él ha podido llegar a expulsar de su corazón... 
el cruel recuerdo.

EL CONDE
(con ligereza pero expresivo)
¿Para qué saber tantas cosas?
¿Cuando vendrán los días más bellos?
¿Dónde van los primeros amores?
¿Dónde vuela el perfume de las rosas?

MANÓN
(Para sí)
¡Dios mío! ¡Dios mío!
¡Dame valor para atreverme 
a preguntárselo todo!
¡Dios mío! ¡Dios mío!
¡Dame valor para atreverme 
a preguntárselo todo!

EL CONDE
Ignorarlo es lo más sensato,
¿por qué entretenerse en el pasado?

MANÓN
¡Una palabra más!...
¿Él ha sufrido su ausencia?
¿Os ha dicho su nombre?

EL CONDE
(mirándola fijamente)
Sus lágrimas corrían en silencio.

MANÓN
(Muy emocionada)
Cuando lloró... ¿la maldijo?

EL CONDE
¡No!

MANÓN
¿Él dice que la muchacha que lo traicionó
lo había amado?

EL CONDE
(Después de haber vacilado)
¡Su corazón, curada la herida,
está cicatrizando!

MANÓN
¿Pero después?

EL CONDE
(ligeramente y con intención)
Él se comportó igual que vuestra amiga.
Lo que se debe hacer aquí en la tierra,
cuando se es sabio,
es olvidar.
¿no es cierto?

MANÓN
(dolida)
¡Olvidar!

(El conde saluda respetuosamente y se retira.
Para sí)

...¡Olvidar!

(Variación para los teatros que no tienen Ballet)

MANÓN
(volviendo súbitamente en sí)
No, su vida está ligada a la mía para siempre...
¡Él no puede haberme olvidado!

(Ella se dispone a salir cuando aparece Lescaut
dando el brazo a Rosalinda seguido de la gente. 
Ella se dirige a Lescaut)

 ¿Mi primo?

LESCAUT
(dejando el brazo de Rosalinda y avanzando
con diligencia)
¿Os puedo llevar, Prima?

MANÓN
¡A San Sulpicio!

LESCAUT
(sorprendido)
¡A San Sulpicio! ¿Por qué ese capricho tan raro?
Perdonadme por hacéroslo repetir... ¿a San Sulpicio?

MANÓN
(con resolución y con intención de salir)
¡A San Sulpicio!

(Ella sale seguida de Lescaut que hace grandes
gestos de extrañeza. Vuelve el grupo de señores, 
damas elegantes, paseantes y vendedores. Entran
Brétigny, Guillot y después Lescaut, acompañados
de varios amigos. Los pasajes siguientes son hablados)

Escena Séptima

BRÉTIGNY
¡Respondedme, Guillot!

(Se ríe)

GUILLOT
¡Nunca!
¡Pero quien ríe el último ríe mejor!

BRÉTIGNY
¡Señor de Morfontaine, me lo vais a contar todo!

GUILLOT
A vos, amigo mío, ¡nada!

(Volviéndose a Manón)

Pero a vos, ¡oh, reina mía!

BRÉTIGNY
¿Os agrada?

GUILLOT
¡Pues bien! Sí... la representación que le denegasteis...
se realizará dentro de un momento... aquí.

(Movimiento entre la gente)

BRÉTIGNY
¡Me veo obligado a admitir la derrota!

(A Manón)

¡Manón, estáis triste!

MANÓN
¡Oh! ¡No!

BRÉTIGNY
Se diría que unas lágrimas...

MANÓN
¡Absurdo!

GUILLOT
(A Manón)
Vamos, Manón,
acercaos, por favor,

(Con importancia)

¡Va a bailar para vos nuestro nuevo ballet!

(a Lescaut)

¡Lescaut, venid!

LESCAUT
(muy diligente)
¡Al momento!...

GUILLOT
Tened prudencia... todo corre a mi costa,
usted se encargará de dar de beber a toda esta gente.

(Arrojando su bolsa)

¿Cuánto necesita?

LESCAUT
(tomando la bolsa y alejándose)
¡Haremos cuentas después!

SEÑORES, PASEANTES, 
VENDEDORES Y BRÉTIGNY
¡Viene la Ópera! ¡La Ópera!
¡Viene la Ópera! ¡La Ópera !

PRÓLOGO: La Presentación

BRÉTIGNY, SEÑORES Y BURGUESES
¡La Ópera! ¡Viene la Ópera!
¡Todo París... todo París...
hablará de ella! ¡Hablará de ella!
¡Viene el ballet de la Ópera!

(Entre ellos)

Es un placer... es un placer... etc.
¡Digno de un rey! ¡Digno de un rey! etc.
¡Y su rival... rabiará! etc.
¡El amigo Guillot... se arruinará! etc.
¡Ha hecho venir al ballet de la Ópera!

GUILLOT
(a parte, con alegría)
¡Es un placer propio de un rey!
¡Haber hecho venir al ballet de la Ópera
a Cours-la-Reine!

(Imitando el movimiento de los bailarines)

¡Mi rival rabiará!
¡Sí, rabiará!

BRÉTIGNY, SEÑORES Y BURGUESES
¡La Ópera! ¡Viene la Ópera!
¡Todo París... todo París..
hablará de ella! ¡hablará de ella!
¡Es el ballet de la Ópera!

BALLET

MANÓN
(aparte, para sí, turbada)
¡No!.. Su vida y la mía están unidas para siempre.
Él no puede haberme olvidado...

(Viendo a Lescaut cerca de ella)

¡Mi silla de manos, primo!...

LESCAUT
¿Dónde queréis que os lleve, prima?

MANÓN
¡A San Sulpicio!

LESCAUT
¿Por qué ese capricho tan raro?
Perdonadme por hacéroslo repetir... 
¿A San Sulpicio?

MANÓN
¡A San Sulpicio!

GUILLOT
Y bien, señora de mi vida, ¿qué me decís?

MANÓN
¡No tengo por qué deciros nada!

GUILLOT
(sorprendido)
¡Nada!... ¿Es ésa la recompensa a mi galantería?
¿Es así como me pagáis?

(La variante para los teatros que no presentan
ballet vuelve a comenzar aquí)

LA MULTITUD
¡Es fiesta en  Cours-la-Reine!
¡Allí se baila y se bebe a la salud del rey!
¡A la salud del rey!

(El coro continua después de caer el telón)

CUADRO SEGUNDO 


Locutorio del seminario de San Sulpicio

Escena Primera

(Gran órgano detrás del telón.
Damas y burguesas devotas
saliendo de la capilla del seminario)

CORO DE DAMAS
(entre ellas, hablando de Des Grieux)
¡Qué elocuencia!
¡Qué dominio! etc
¡Admirable orador! etc
¡Gran predicador! etc
¡Qué elocuencia!
¡Y qué voz tan dulce!
¡Qué dulzura, y qué fuego!
¡Escuchándolo...
el fervor penetra dulcemente
hasta el fondo de nuestras almas!
¡Ah! ¡Ah! ¡Qué orador!
¡Orador admirable!
¡Gran predicador!
Con qué divino arte, etc
pinta su tesis. etc
pinta a san Agustín, etc.
y a santa Teresa, etc
¡Él mismo es un santo!
¡Eso es cierto! ¡Un santo!
¿No es así, querida mía?
Es un santo, etc
Eso es cierto, etc
¡Es un santo! ¡Un santo!

(Aparece Des Grieux. Las devotas,
entre ellas, con devoción)

¡Es él! ¡Es el abad Des Grieux!
¡Ved cómo baja los ojos!

(Las devotas y los fieles salen poco
a poco después de haber saludado a Des
Grieux con profundas reverencias. El pasaje 
siguiente es hablado)

Escena Segunda

EL CONDE DES GRIEUX
¡Bravo, querido, un completo éxito!
Nuestra familia puede estar orgullosa
de tener entre los suyos a un nuevo Bousset.

DES GRIEUX
¡Gracias, padre, sobran vuestras alabanzas!

(Silencio)

EL CONDE
Y... ¿es firme, caballero, vuestra intención 
de uniros para siempre al cielo?

DES GRIEUX
Sí, pues no he encontrado en la vida
mas que amargura y disgusto...

EL CONDE
(con ligera ironía)
¡Esas son palabras mayores!
¿Qué camino has seguido,
y qué sabes tú de la vida,
para pensar que acaba ahí?

¡Cásate con alguna honrada muchacha,
digna de nosotros, digna de ti...
llega a ser padre de familia
ni mejor ni peor que yo.
El cielo no espera más de ti;
ése es tu deber, ¿entiendes?...
¡Ése es tu deber!
¡La virtud que hace mucho ruido
no es mejor virtud!
¡Cásate con alguna honrada muchacha,
digna de nosotros, digna de ti!
El cielo no espera más de ti.
¡Ése es tu deber, ése es tu deber!

DES GRIEUX
¡Nada me puede impedir
pronunciar mis votos!

EL CONDE
¿Está todo dicho, entonces?

DES GRIEUX
¡Sí, yo lo quiero de esta manera!

EL CONDE
¡Sea! Cruzaré solo esta verja,
y anunciaré que tienen 
un santo en la familia...
¡Sé que muchos no me creerán!

DES GRIEUX
¡No os burléis, señor, os lo ruego!

EL CONDE
(conmovido)
¡Una palabra más! Como no es seguro que te den, 
de hoy para mañana,
una regalía o una abadía...
Os enviaré esta tarde
treinta mil libras...

DES GRIEUX
Padre...

EL CONDE
Te pertenece, 
es tu parte de la herencia de tu madre;
Y ahora... adiós, hijo mío.

DES GRIEUX
¡Adiós, padre!

EL CONDE
¡Adiós!... Quedaos aquí y rezad.

(Sale)

Escena Tercera

DES GRIEUX
(solo)
¡Estoy solo!
¡Solo al fin!
¡Es el momento supremo!

(Tranquilo)

¡No deseo otra cosa
que el reposo que me proporciona la fe!
¡Sí, he querido poner al mismo Dios
entre el mundo y yo!

(Muy tranquilo)

¡Ah! Huye, dulce imagen, tan querida por mi corazón;
respeta el reposo tan cruelmente ganado,
y piensa, si he bebido una amarga copa,
que mi corazón la llenará con lo que ha sangrado.
¡Ah! ¡Huye! ¡Huye lejos de mí!
¡Ah! ¡Huye!

¿Qué me importa la vida y la apariencia de gloria?
No quiero mas que expulsarlo del fondo de mi memoria...
¡Un nombre maldito! 
Ese nombre... ¡que me persigue!

EL PORTERO DEL SEMINARIO
El oficio va a empezar!

DES GRIEUX
(para sí)
¡Voy!
¡Dios mío!
Que vuestra llama
purifique mi alma...
¡Y disipe con su fulgor
la sombra que pesa todavía en el fondo de mi corazón!

¡Ah! ¡Huye, dulce imagen, tan querida por mi corazón!
¡Ah! ¡Huye! ¡Huye lejos de mí!
¡Ah! ¡Huye lejos de mí! ¡lejos de mí!

(Campana lejana)

Escena Cuarta

EL PORTERO DEL SEMINARIO
¡Él es joven... y su fe parece sincera... 
ha provocado una gran emoción
entre las más bellas
de nuestras fieles!

(Aparece Manón)

Escena Quinta

MANÓN
(con esfuerzo)
¡Señor... quiero hablar... con... el abad... Des Grieux!

EL PORTERO DEL SEMINARIO
¡Muy bien!

MANÓN
(dándole dinero)
¡Tened!

(El portero del seminario saluda y sale)

Escena Sexta

Estos muros silenciosos...
Este aire frío que se respira...
¡Siempre que todo esto no haya cambiado su corazón!
Llegará a no tener piedad por un loco error...
¡Quizás no haya aprendido a maldecir!

VOCES DENTRO DE LA CAPILLA
DEL SEMINARIO
(a lo lejos)
Magnificat anima mea
Dominun,
Et exultavit spiritus meus.

MANÓN
(escuchando)
Allá... se reza... ¡Ah! ¡quisiera rezar!
¡Perdóname,
Dios todopoderoso!
¡Perdóname,
Dios todopoderosos,
si me atrevo a  suplicarte,
implorando tu clemencia!
Si mi voz desde aquí... puede subir hasta el cielo.. ¡ah!

(Muy expresiva)

¡Es para pedirte el corazón de Des Grieux!
¡Perdóname, Dios mío! ¡Perdóname, Dios mío!

VOCES DENTRO DE LA CAPILLA
DEL SEMINARIO
In Deo salutari meo,
Salutari meo.

(Des Grieux entra por el fondo)

Escena Séptima

MANÓN
(con congoja)
¡Es él!

(Manón se vuelve y está a punto
de desmayarse. Des Grieux se acerca)

DES GRIEUX
¡Tú!

(Casi hablado)

¡Vos!

MANÓN
¡Sí... soy yo!... ¡Soy yo!
¡Sí! ¡Soy yo!

DES GRIEUX
¿Qué vienes a hacer aquí?
¡Vete! ¡Vete!
¡Aléjate!

MANÓN
(dolorosa y suplicante)
¡Sí! ¡Fui cruel y culpable!
¡Pero acordaros de la intensidad de nuestro amor!
¡Ah! En esa mirada que me abruma
¿leeré mi perdón algún día?

DES GRIEUX
¡Aléjate!

MANÓN
¡Sí! ¡Fui cruel y culpable!
¡Ah! ¡acordaros de la intensidad de nuestro amor!
¡Acordaros de de la intensidad de nuestro amor!

DES GRIEUX
¡No! Yo había escrito sobre la arena
el sueño de un amor insensato
que el cielo sólo hizo duradero 
un instante...

(Con amargura)

¡Por un día!

MANÓN
¡Sí! ¡Fui culpable!
¡Sí! Fui cruel...

DES GRIEUX
Yo lo había escrito sobre la arena...
¡Era un sueño
que el cielo sólo hizo duradero
un instante, un día!
¡Ah! ¡Pérfida Manón!

MANÓN
(aproximándose)
Si yo me arrepintiera...

DES GRIEUX
¡Ah! ¡Pérfida! ¡Pérfida!

MANÓN
¿No tendrías piedad?

DES GRIEUX
(interrumpìéndola)
Yo no quiero creeros...
¡No! Vos habéis salido por fin de mi memoria...
¡Así como de mi corazón!

MANÓN
(Con lágrimas)
¡Ay de mí! ¡Ay de mí! El pájaro que huye,
de lo que él cree que es esclavitud,
muy a menudo regresa por la noche,
y en un vuelo desesperado ¡se golpea con el cristal!
¡Perdóname!

DES GRIEUX
¡No!

MANÓN
Me pongo a tus pies...

(Con ímpetu y desesperación)

¡Ah! ¡Revive nuestro amor si quieres que viva!

DES GRIEUX
¡No! ¡Él está muerto para vos!

MANÓN
¿Es que no puede revivir?
¡Escúchame!...
¡Recuerda!...

(Con gran encanto y muy dulce)

¿Mi mano ya no cogerá tu mano?
¿Ya no oirás mi voz?
¿Ya no será para tí una caricia
como en otras ocasiones?
¿Y estos ojos, antes para tí llenos de encanto,
ya no brillarán a través

(Con un sollozo)

de mis lágrimas?

(Muy emocionada y jadeante)

¿Ya no seré yo?
¿Ya no escucharé mi nombre?
¡Ah! ¡Mírame! ¡Mírame!
¿Mi mano ya no cogerá tu mano
como en otras ocasiones?
¿Ya no oiré mi nombre? 
¡Ya no oiré Manón!
Acuérdate...
¿Ya no será mi mano? Escúchame:
¿Ya no oiré tu voz?
¿Ya no escucharé mi nombre?
¿Ya no oiré Manón?

DES GRIEUX
(muy perturbado)
¡Dios mío! Protéjeme en este instante supremo...

MANÓN
¡Te amo!

DES GRIEUX
¡Ah! ¡Cállate!
No hables de amor aquí... es una blasfemia...

MANÓN
¡Te amo!

DES GRIEUX
¡Ah! ¡Cállate!
¡No hables de amor!

MANÓN
(febril)
¡Te amo!

(Campana lejana)

DES GRIEUX
(escuchando, con angustia)
Es la hora de rezar...

MANÓN
¡No! ¡No te dejo!

DES GRIEUX
¡Se me reclama allí!...

MANÓN
¡No! ¡No te dejo!
¡Ven!

(Febril)

¿Mi mano ya no cogerá tu mano
como en otras ocasiones?

DES GRIEUX
(poco a poco más violento)
¡Como en otras ocasiones!

MANÓN
Y estos ojos, antes para tí llenos de encanto...
¿Ya no oiré Manón?

DES GRIEUX
Como en otras ocasiones...
Como en otras ocasiones...

MANÓN
¡Ah! ¡Mírame!
¿Ya no seré yo?
¿Ya no oiré Manón?

DES GRIEUX
(con ímpetu)
¡Ah! ¡Manón!
¡No quiero luchar contra mí mismo!

MANÓN
(con un grito de alegría)
¡Por fin!

DES GRIEUX
E incluso si hago hundirse sobre mí el Cielo...
Mi vida está en tu corazón,
mi vida está en tus ojos...

(Con exaltación y abandono)

¡Ah! ¡Ven! ¡Manón!
¡Te amo!

MANÓN Y DES GRIEUX
(con ardor)
¡Te amo!

TELÓN